jeudi 7 mai 2015

Le Cercle des Poètes Disparus, The Scientist, et Avène

Pourquoi vivons nous ?
Nous nous sommes tous posé cette question, depuis toujours. Aussi, quand nous étions petits, cette question la pouvait paraître saugrenue tant le goût de la vie était une évidence. Et puis nous grandissons, devenons adulte, et dans cette forme de maturité, il nous arrive parfois, pas toujours, mais parfois, d’oublier ce qu’est la vie, son essence même.
Hier, je suis tombé sur un article touchant, dans lequel J.K.Rowling, l’auteur de la saga Harry Potter, répondait à un Tweet. Elle ne connaissait pas cet individu à qui elle avait pris le temps de répondre, mais qu’importe, par la magie d’internet, ils étaient connectés, nous rappelant là l’essence de la vie.

L’internaute  : « This may get lost in the noise..but what would you say to someone who has failed to find meaning and wants to finally give up? »
(« Ceci va sans doute se perdre dans la multitude de tweets que vous recevez... mais que diriez-vous à quelqu’un qui n'arrive pas à trouver de sens à sa vie et qui envisage d’abandonner? »)

Ce à quoi elle répondit de façon spontanée, et simple : 

« look at this » (je lui dirais de regarder ça) :

arche du Parc Natinnal de l'Utah, USA


« and this » : 


lune rouge derrière le temple de Poséidon, Athènes, Grèce


«  I'd say, the world is full of wonderful things you haven't seen yet. Don't ever give up on the chance of seeing them. »J.K Rowling (Et je dirais que le monde est rempli de choses merveilleuses que vous n’avez pas encore vues. Ne renoncez jamais à la possibilité que vous avez de les voir.)

Sa réponse m’intriguait, m’amenant ainsi naturellement à me pencher sur son histoire, son parcours.
Quelle délicatesse, quelle élégance.
Tous les éléments de sa vie, de son enfance, à son adolescence, jusqu’à son divorce ont littéralement convergé vers l’écriture de son roman. Son histoire est fabuleuse.
C’est en 1994, lors d’un voyage en train de Manchester à Londres qu’elle concocte dans sa tête l’histoire de son jeune héros attendant son train qui le conduira jusqu'à une école de sorcellerie.
« Tout à coup, l'idée de Harry m'est sautée à l'esprit. Je ne peux pas dire pourquoi, ni ce qui l'a déclenchée. Mais j'ai vu très clairement l'idée de Harry et de son école de sorciers. J'ai soudain eu cette idée fondamentale d'un garçon qui ne savait pas qui il était, qui ne savait pas qu'il était sorcier avant de recevoir une invitation pour l'école des sorciers. Jamais je n'avais été aussi excitée par une idée. »
— J. K. Rowling
Neuf mois plus tard, éprouvant un besoin vital de prendre ses distances quelque temps, Joanne part pour Porto, au Portugal, pour y enseigner l’anglais. Le travail à mi-temps lui permet de se consacrer à son roman qui a beaucoup évolué depuis le décès de sa mère. Tous les matins, avant d’aller travailler, elle rédige les aventures de Harry Potter en buvant un café au Majestic.
« Désormais, les sentiments de Harry envers ses parents disparus étaient devenus bien plus profonds et tangibles. C'est durant les premières semaines de mon séjour au Portugal que j'ai écrit mon chapitre préféré de L'école des sorciers : Le miroir du Riséd10. (J. K. Rowling) »
Joanne Rowling se marie avec le journaliste portugais J. Arantes. Après avoir fait une fausse couche, elle finit par donner naissance à une fille, Jessica, le 27 juillet 1993. Cependant, le couple se dispute de plus en plus souvent et, en novembre 1993, Joanne est jetée dehors par son mari. Le mariage se solde par un divorce en 1995 et elle retourne au Royaume-Uni pour s’installer chez sa sœur à Édimbourg, où elle vit d’allocations tout en devant s'occuper de sa fille Jessica. Joanne Rowling ne reste pas longtemps chez sa sœur, ne souhaitant pas imposer sa présence et être un fardeau pour elle.
La précarité de sa situation mène Joanne Rowling à souffrir de dépression. Elle emménage avec sa fille dans un petit bâtiment à Leith, un district de la capitale de l’Écosse, où elles vivent avec l'aide du gouvernement. Mais Joanne Rowling a honte de sa situation, d'autant plus qu'elle se préoccupe sans cesse de maintenir son ex-mari loin d'elle et de sa fille. Sean Harris, son ami de lycée, est resté en contact avec Joanne et lui prête de l’argent.
Joanne Rowling décide de reprendre l'enseignement, cette fois ci à temps plein, ce qui l'incite à vouloir terminer au plus vite son premier livre pour ne pas être obligée de l'abandonner. Elle se met donc au travail et écrit jour et nuit, déterminée à l'achever et tenter de le faire publier.
Le seul moyen d’endormir Jessica était de la promener en poussette. Je me précipitais alors dans le café le plus proche pour y écrire comme une folle. [...] Il m'arrivait parfois de haïr ce livre, même si je l'adorais. (J. K. Rowling) »
Le livre achevé, elle envoie les trois premiers chapitres à un agent, qui les lui retourne aussitôt. Un second agent, Christopher Little, est intéressé et demande à Joanne de lui envoyer la suite du roman pour tenter de le faire publier. Après le refus successif d'une dizaine d'éditeurs, les originaux arrivent à Bloomsbury Publishing, dans les mains de Barry Cunningham, le coordonnateur de la nouvelle division des livres pour enfants. Le roman est finalement publié le 30 juin 1997. (1)

Il ne s’agit pas de remettre sa vie, ses rêves, notre allégresse à plus tard. Nous ne pouvons nous accorder ce luxe. L’inspiration est partout, la chance d’embrasser cette vie qui est la notre, trop précieuse pour qu’on la gâche dans une énorme crise d’angoisse qui ne prendrait fin que sur notre lit de mort. Le monde est si compliqué, si dense, si violent. Notre âme d’enfant aurait mille raison de s’étioler, s’évanouir, s’envoler. Il nous faut la protéger, la chérir, sans pour autant être niais, encore moins naïf, quand bien même l’imbécilité docile semble parfois si heureuse. 
Mais à la lecture de cette histoire, je ne peux m’empêcher d’être admiratif face à une telle obstination, une telle persévérance. Ce n’est pas tant le succès éditorial qui est intéressant, mais cette façon extraordinaire de croire en ses rêves, suivre ses envies. 
N’avait-elle jamais douté, seule avec sa fille, derrière cette poussette, en direction du café ? Comment a t-elle pu trouver l’inspiration dans une telle situation ? Mille question me viennent à l’esprit.
Et dans sa réponse, envoyée amicalement à cet internaute, je perçois peut-être ce qui anime l’humanité depuis toujours, comme étant cette volonté universelle à partager des émotions, aider les autres parfois, de façon désintéressée. Que ce soit au travers l’écriture, les mots, une chanson, un instant, un lieu, nous ne retenons dans notre vie que ces moments, ces instants, où le présent et les sentiments nous font oublier tout le reste, nous transcendent.

Pourquoi aimons nous tant le cinéma ? la musique ? les livres ? Parce que nous sommes des êtres sensibles, et que cette cette sensibilité nous rend vivant. Le rationalisme, le cartésianisme, ou ce que nous appelons la raison, ne peuvent rendre quelqu’un tout à faire heureux. La vie n’est pas, ne peut pas résider uniquement dans la valeur travail, quand bien même celui-ci peut nous apporter un certain épanouissement, relatif. 
Nous n’allons pas changer le monde, encore moins laisser une trace quelconque. Et pourtant, nous n’avons de cesse que de voir les choses sous le regard du raisonnable, oubliant l’émotion, l’intuition. J’ai été naïf de croire, que « LA » vie, « Ma » vie démarrerait lorsque je trouverais un sens à celle-ci. En réalité, elle n’en a pas, et c’est ce qui en fait sa beauté. 

Citons ici, Robin Williams, dans le Cercle des poètes disparus : On lit ou on écrit de la poésie non pas parce que c'est joli. On lit et on écrit de la poésie parce que l'on fait partie de l'humanité, et que l'humanité est faite de passions. La médecine, le commerce, le droit, l'industrie sont de nobles poursuites, et sont nécessaires pour assurer la vie. Mais la poésie, la beauté, l'amour, l'aventure, c'est en fait pour cela qu'on vit. Pour citer Whitman : « Ô moi ! Ô la vie ! Tant de questions qui m'assaillent sans cesse, ces interminables cortèges d'incroyants, ces cités peuplées de sots. Qu'y a-t-il de bon en cela ? Ô moi ! Ô la vie ! ». Réponse : que tu es ici, que la vie existe, et l'identité. Que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime. Que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime... Quelle sera votre rime ? (2)

L’illusion de croire qu’on vivra plus tard, demain, après demain, nous fait passer à côté de l’essentiel. « Apprendre ? Certainement, mais vivre d’abord, et apprendre par la vie, dans la vie. » (John Dewey). Après ? Il sera trop tard, assurément.
Nous ne réaliserons pas tous de grandes choses, ne changeront pas necessairement le monde, ni ne laisserons quelconque trace de notre court passage. Mais essayons de faire quelque chose qui compte à notre échelle. Être un bon amoureux, un bon mari, un bon ami, être de bons parents, aimant. Donner ce qu’il nous est possible de donner, sans retenue, ni avarice. J’ai souvent l’impression que les mots s’envolent et que seul les actes comptent. C’est pourquoi je refuse d’attendre un hypothétique lendemain.

Je sais que tu liras ces quelques mots, ce soir. Aussi, sache que je me suis amusé à emprunté une machine à voyager dans le temps. J’ai fait un bref saut dans le futur, à la rencontre de ton « toi » âgé de 40 ans. Tu étais sublime, souriante, toujours aussi drôle, reconnaissable entre mille. Tu m’as aussi reconnu, on a un peu papoté, comme toujours, et avant de me laisser revenir au présent, tu m’as donné cette lettre, en me demandant de la remettre à ton « moi » de 29 ans.

Avant de te la lire, laisse moi mettre un peu de musique. Fermons les yeux, mettons un bon casque ….


Les paroles : 

Come up to meet you                             Je suis venu te voir
Tell you I'm sorry                                  Te dire que je suis désolé
You don't know how lovely you are      Tu ne sais à quel point tu es adorable
I had to find you                                    Il fallait que je te voie
Tell you I need you                               Que je te dise que j’ai besoin de toi
Tell you I'll set you apart                      Te dire que tu es un être à part
Tell me your secrets                              Confie moi tes secrets
And ask me your questions                   Et pose moi tes questions
Oh let's go back to the start                   Oh, reprenons à zéro
Running in circles                                 Tourner en rond
Coming in tails                                      Se rejoindre
Heads are a science apart                      La pensée est une science à part

Nobody said it was easy                       Personne n’a dit que c’était facile
It's such a shame for us to part             C’est tellement dommage que nous nous 
                                                              séparions
Nobody said it was easy                       Personne n’a dit que c’était facile
No one ever said it would be this hard Personne n’a dit que ce serait si difficile
Oh take me back to the start                 Oh ramène moi au point de départ

I was just guessing                                Je ne faisais que des hypothèses
At numbers and figures                        en chiffre et en nombres
Pulling the puzzles apart                       Qu’examiner les pièces du puzzle
Questions of science                             Les questions de science, 
Science and progress                            de sciences et de progrès
Could not speak as loud as my heart   Ne parlent pas aussi fort que mon coeur
Tell me you love me                            Dis-moi que tu m’aimes
Come back and haunt me                     Reviens me hanter
Oh when I rush to the start                   Oh quand je reviens vers la case départ
Running in circles                                Tournant en rond,
Chasing tails                                         Nous mordant la queue
Coming back as we are                         Revenant là où nous sommes

Nobody said it was easy                       Personne n’a dit que c’était facile
Oh it's such a shame for us to part        C’est tellement dommage que nous nous    séparions.
Nobody said it was easy                       Personne n’a dit que c’était facile
No one ever said it would be so hard  Personne n’a jamais dit que ce serait aussi     difficile
I'm going back to the start.                  Je retourne au point de départ





« Chère A. »

C’est ton futur toi qui te parle, ça y est tu as quarante ans ma grande. Si tu lis cette lettre, c’est que ton cher S. est bien rentré du futur pour te remettre ces quelques mots. J’avais oublié à quel point tu avais bon goût ! Mais je m’égare, passons.
Je ne te dévoilerai pas trop ton futur, à quoi bon ? Cela gâcherait la surprise. Ce que je peux te dire en revanche, c’est qu’il t’attend un tas de belles choses à découvrir. La vie ne sera pas facile, ne te méprend pas. Il y aura beaucoup de moments difficiles, mais aussi des moments magiques, inoubliables, sublimes. Je sais que tu as peur, que tu es effrayée, mais je te rassure, tout le monde l’est. C’est la vie, et c’est comme ça. On ne cesse d’avoir peur, même à quarante ans.
Je sais que tu es en plein apprentissage de la vie, qu’il te faut apprendre à gérer maintenant ta relation avec les autres, ta famille, avec toi même, mais tu vas y arriver, rassure toi. Mais il y a de la lumière, je ne l'ai toujours pas oublié. Il m'arrive encore d'y repenser

Je m’en sors plutôt bien ici.

Mais dans ce long chemin, semé d’embuches et parsemé d'ombres, tu as le droit d’être accompagnée, et de tendre la main, tout en restant toi même, tu n’en seras que plus heureuse, quand bien même la tentation de fuir et de se cacher dans les ténèbres n'est jamais bien loin. 

Les hommes sont imparfaits, je te ne le cacherai pas. La liste des défauts étant interminable, mais toute la question réside dans le fait de savoir si vous êtes parfaits l’un pour l’autre. Si vous saurez vous respecter l'un l'autre, toujours. Ce à quoi je ne peux pas répondre à ta place.
Ce garçon qui est dans ta vie, est effrayé lui aussi, mais il est sincère, je pense que tu peux le lire dans ses yeux. Il n’est pas bien sur de lui, s’agissant de sa vie, ses capacités. Mais il t’aime, de tout son coeur, ça crève les yeux, et ne te laissera pas tomber. Ce n'est pas tant d'avoir "besoin" de lui dont il est question, mais d'être à ses côtés.
Si tu t'en sens capable, invite-le un de ces jours, et découvrez la vie à deux, construisez d'autres moments fabuleux, rien qu'à vous, loin des fantômes du passé. Vous le méritez.

 Je ne sais pas ce que tu choisiras de faire, mais n’oublie pas qu’il s’agit en réalité de vivre chaque jour, comme si c’était le dernier, où presque. Je sais que tu es effrayée, oui, et que la vie n’est pas une chanson.
Mais affronte tes peurs, comme tu le feras si bien à quarante. Sois celle que tu as envie d’être, invite le dans ta vie ou laisse le partir, je ne peux pas décider pour toi de là où je suis, mais n’oublie pas que le temps perdu est irremplaçable, et que nous n’avons pas le temps, ni la place dans cette vie pour les regrets. 

Ton futur toi.
A.


- Si le monde me révolte toujours autant, et que la liste des préoccupations ne fait que s'allonger, il me semble avoir quelque peu changé. L’absolu vertige de vouloir tout changer cède sa place à un réalisme plus humain. Vouloir changer le destin de l’humanité est louable mais n’a pas de sens. Commençons déjà par la personne d’à coté, et celles qui croiseront notre route. Les livres, les films, les chansons, les discussions, les voyages, aux cotés de ceux qu'on aime, nous rappelleront toujours à quel point il est bon de ressentir le frisson de la vie. Laissons le passé derrière, tout en acceptant une part de nostalgie, car nous sommes nécessairement le fruit de notre passé. Mais embrassons les lendemains et les belles choses à venir, et n’ayons pas peur de vivre. Car c’est la seule chose qui vaille.

So, let's go back to the start....
And it is not that i will fix you, but i ll be there, the morning after...



1. J.K Rowling, biographie, 
http://fr.wikipedia.org/wiki/J._K._Rowling






Le cercle des poètes disparus, de Peter Weir, 1989




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