jeudi 26 septembre 2013

J-321 : Les syndicats, "V for Vendetta", et les angines.

Cela fait des mois que je n’ai pas peaufiné un article. J’étais pourtant sur le point de publier un texte le 26 septembre au soir, mais dans une sorte d’énervement, j’ai tout effacé, frénétiquement. Était-il vraiment raisonnable et intelligent de tirer à tout va, sur les syndicats ? Ceux-là même, n’avaient-ils pas suffisamment oeuvré par le passé pour qu’on leur soit encore, aujourd’hui reconnaissant ?

Sept mois plus tard, ma vision est encore plus radicale, tranchante, et le titre du billet reste encore d’actualité. Quant à l’affiche de cinéma, on ne pouvait trouver mieux pour illustrer mes propos.


Il est 23h38, la suite très prochainement ...


Dimanche 11 mai

Le précieux visa se fait attendre, l’attente parait interminable. Les jours se suivent et se ressemble, le temps lui-même devient une souffrance et la fin de semaine si lointaine. L’idée qu’il y a pire ailleurs n’est pas un réconfort. La médiocrité dégouline de tous les cotés. Mes amis industriels tapinent dans leurs bureaux parisiens, et subissent la même loi du marché, implacable, méprisante envers une jeunesse qui a des rêves, mais dépossédée de tous moyens pour les réaliser. Les jeunes hospitaliers souffrent eux aussi, d’une perte de sens, et d’une caste qui s’octroie tous les privilèges. L’inanité du discours des syndicats, arc-boutés sur les questions liées au mode de rémunération des pharmaciens me fait penser à une forme de « despotisme de l’esprit ». Ces représentants syndicaux ne représentent pas une profession, non. Ils ne sont qu’une forme de bouffonnerie dont le verbiage n’a pour but que la préservation de leur confortable patrimoine. L’inertie pathétique de cette classe dirigeante, à la fois politique et ordinale, me donne la nausée.

A quoi bon s’agiter, à quoi bon s’offusquer, pourquoi se révolter ? 
Les affaires se suivent et se ressemble, et Aquilino Morelle, médecin de formation, nous rappelle tristement, furieusement, que cette République n’a de sens que pour ceux qui la compose et pour seul intérêt, la médiocrité qui l’anime.

Que faire ? S’abrutir volontairement ? Anesthésier son âme ? Changer les choses ? Tout du moins, rêver le changement ? 
J’ai cru un moment donné, pouvoir bousculer un peu les choses. Et c’est tout naturellement que j’ai participé au Prix du Cespharm. Celui-ci est destiné chaque année à récompenser un pharmacien, de moins de 45 ans, qui par ses travaux ou publications a contribué à développer la prévention, l’éducation sanitaire ou l’éducation thérapeutique dans notre pays. Il est décerné chaque année par l’Ordre national des pharmaciens.
Pour la constitution du dossier, il fallait présenter des travaux pertinents et une lettre résumant les travaux. Ce que j’ai présenté (accompagné de ma thèse d'université) : 

Paris, le 3 juin 2013
Madame, Monsieur le membre du jury
Un vaccin est un médicament à part entière et le pharmacien dans la pratique de son art, est amené à informer souvent, rassurer toujours, afin que les patients s'approprient les réalités d'un risque, d'une maladie et les moyens de s'en prémunir.
La "Semaine européenne de la vaccination" ainsi que la présentation récente d'un nouveau calendrier vaccinal, nous rappellent l'existence d'une couverture vaccinale encore insuffisante en France, au regard de certaines pathologies. Les efforts des professionnels de santé pour favoriser l'acte vaccinal ne sont pourtant pas inexistants.
Face à ce constat, le pharmacien avec toutes ses compétences, ne pourrait-il pas apporter une nouvelle pierre à l'édifice, relatif au domaine de l'éducation thérapeutique auprès des populations visées par les différents programmes vaccinaux, notamment les adolescents ?
C'est à ce titre, dans le cadre d'une thèse d'exercice, que l'idée d'impliquer le pharmacien dans des établissements d'enseignement au côté de la médecine scolaire m'est apparue.
En effet, l’exemple de l'hépatite B étudié dans cette thèse montre assez bien la problématique des programmes de vaccination dans notre pays. Il est fait le constat d'une réputation entachée du vaccin (expliquant en partie la couverture vaccinale insuffisante), bien qu’un programme vaccinal faisant l’unanimité parmi les institutions reconnues en recommande l’utilisation.
Ainsi, au cours de cette thèse je me suis rendu dans un collège à la rencontre des classes de 3eme dans l'optique de sensibiliser les élèves au virus de l'hépatite B.
La présentation orale, associée à des supports pédagogiques adéquats, aura permis de présenter le virus de l'hépatite B, la chronicité éventuelle de l'infection, ses modes de contamination, l'existence d'un vaccin, le rôle des adjuvants.
Afin de mesurer l'effet de cette intervention, un questionnaire a été distribué aux élèves ayant assisté à cette présentation, ainsi qu'aux classes n'ayant pas assisté aux séances de sensibilisation.
Les résultats sont probants et absolument encourageant. Il en ressort, que les élèves sensibilisés comprennent mieux les enjeux de la vaccination, mesurent concrètement l'intérêt de se protéger, intègrent logiquement la notion de balance bénéfices-risques attachée à chaque médicament, et perçoivent in fine, la perte de chance que représente l'absence d'une prévention vaccinale pour les adolescents eux-mêmes.
Cette thèse d'exercice rappelle ainsi que le pharmacien possède un bagage technique évident à exploiter d'avantage ; laquelle - exploitation - profiterait largement à la population générale sans surcoût pour l'assurance maladie dans un contexte économique difficile où la prévention et l'éducation pour la santé sont pourtant à encourager, avec éthique et en toute indépendance.
Rappelons qu'à la fin de cette étude 91 % des élèves sensibilisés déclaraient être assez informés et/ou qu'il se feraient vacciner à nouveau si on leur laissait le choix contre 11,5 % dans le groupe témoin.
Ce travail réaffirme aussi le champ des compétences du pharmacien qui grâce à la loi HPST, a non seulement un rôle à jouer à l'officine, mais aussi dans les établissements scolaires ou l'éducation thérapeutique et la prévention prennent tout leur sens, face à de jeunes citoyens manifestement intéressés par leur santé.
Enfin, je remercie, par avance, le jury du Prix Cespharm pour la considération qu'il témoignera à l'égard de ma candidature, souhaitant au jury bonne lecture de mes travaux.


                                                                       Confraternellement
                       S.T
         Docteur en pharmacie




Le jury aura préféré Denis Cassaing et la mise en place d’un programme d’éducation thérapeutique de proximité des patients diabétiques dans le réseau officinal du département du Gers. (3)
Saluer la mise en place d’un réseau pour diabétiques c’est une chose, mais ne pas faire échos de travaux qui permettraient clairement d’éduquer et de sensibiliser toute une classe d’âge avec les bénéfices qu’on pourrait en tirer, ça en est une autre, et cela en dit long.
Rappelons au Cespharm, à l’Ordre des pharmaciens, au ministre de la santé, que la crise de confiance qui touche les vaccins s’installe durablement et que la résurgence de maladies potentiellement graves et pourtant évitables n’est malheureusement plus un fantasme, mais bien une réalité. (4,5,6)

Si le film "V for Vendetta" est une allégorie stylisée, prônant la lutte armée comme dernier recours face à un appareil d’Etat verrouillé, amenant finalement le peuple à se révolter, personne n’imagine cette issue possible dans le monde réel. Les esprits libres, et révoltés semblent bien trop dispersés, esseulés pour pouvoir changer l'ordre établi. La réponse se trouve finalement, peut-être, dans cet article, avec comme conclusion cinglante, et brillante : 
«A new study partly-sponsored by Nasa's Goddard Space Flight Center has highlighted the prospect that global industrial civilisation could collapse in coming decades due to unsustainable resource exploitation and increasingly unequal wealth distribution. » (7)
Ainsi, le parlement n’en viendrait pas à s’écrouler par le souffle horrible d’une bombe, l’ironie sera peut-être l’effondrement de toute forme de civilisation moderne, dicté par l’aveuglement et la cupidité de quelques individus qui se seront arrogés les possibilités d’un quelconque changement. L’essentiel serait alors à mes yeux ceci : vivre avant qu’il ne soit trop tard.

«All you need is love.»
 Paul McCartney/John Lennon

  1. http://www.cespharm.fr/fr/Prevention-sante/Actualites/2013/Denis-Cassaing-laureat-du-prix-du-Cespharm-2013
  2. https://www.mutualite.fr/L-actualite/Kiosque/Revues-de-presse/Semaine-europeenne-de-la-vaccination-retrouver-la-confiance
  3. http://www.lemonde.fr/sante/article/2014/04/02/vingt-cinq-nouvelles-plaintes-bientot-deposees-contre-le-gardasil_4394385_1651302.html
  4. http://tempsreel.nouvelobs.com/l-enquete-de-l-obs/20140404.OBS2688/exclusif-cancer-du-col-de-l-uterus-pourquoi-le-vaccin-gardasil-fait-peur.html
  5. http://www.theguardian.com/environment/earth-insight/2014/mar/14/nasa-civilisation-irreversible-collapse-study-scientists



"V for Vendetta" de James McTeigue, 2005

lundi 16 septembre 2013

J-322 : "Gattaca", "The Great Dictator", et la dépression existentielle.

"Il n'y a pas de gène pour l'esprit humain". Ainsi se termine la bande annonce du film "GATTACA". Autant la génétique porte en elle d'immenses espoirs thérapeutiques, autant le XXIe siècle nous aura appris l'importance du milieu dans lequel nous évoluons.
L'idée effrayante d'un déterminisme génétique tout puissant, dictant notre devenir, et nos potentialités reste encore fantasmé. En revanche, les distinctions sociales fondées sur la fortune, en particulier la fortune héritée, sont elles, bien ancrées dans la réalité.
Je me souviens en troisième année d'un pote de fac', appelons-le antoine,  qui avait fini par m'avouer avoir hérité d'un million d'euros. Bien évidemment, il ne le criait pas sur les toits. Mais, il avait la lucidité des gens riches, la sensation qu'il serait à l'abri, pour toujours. Le type n'était pas un génie, et avait pourtant réussi à passer le concours de première année. Son rêve, était de devenir titulaire d'une pharmacie d'officine et de faire beaucoup, beaucoup d'argent, ayant compris la sécurité et les rendements corrects d'une niche commerciale bienveillante. Antoine représentait l'archétype de l'étudiant égocentrique, avide, et vide de toute substance, si ce n'est l'appât du gain. Il n'avait pas choisi ce commerce par hasard. Il lui aurait été bien plus facile d'ouvrir un commerce de fringues, ou un restaurant. Non, il avait choisi un commerce qui flatterait, à la foi son ego, et maintiendrait le rang social de sa famille.

Les concours de première année des filières médicales dans leur configuration actuelle, si ils prétendent donner leur chance à chaque étudiant, justifiant ainsi la méritocratie républicaine, représentent en réalité, la quintessence d'un système profondément inégalitaire, fondé sur un ensemble de connaissances académiques normatifs, arbitraires et pré-établis. Les étudiants provenant de milieux modestes, ayant fréquenté des lycées moyens, n'ont aucune chance face à d'autres étudiants issus de classes aisées ayant fréquenté des lycées d'excellence. Et, lorsque la rentrée universitaire a sonné, ces étudiants fortunés ayant non seulement bénéficié d'un enseignement secondaire "dopé", auront en plus droit à des prépas' privées, au prix exorbitant, dont les enseignants ne sont rien d'autres que d'anciens professeurs ou d'anciens étudiants ayant une connaissance parfaite des normes exigées.

A l'inégalité du capital économique vient dont se surajouter ce que Pierre Bourdieu appelait, le capital culturel. Antoine et les autres bien-nés ont réussi un braquage parfait, enfin presque. Car, le capital culturel s'acquiert au prix d'un certain nombre de sacrifices, somme toute très relatif. Il faut bûcher, lire, apprendre, étudier, passer des examens jusqu'à l'obtention du diplôme universitaire. Et c'est exactement l'argument fallacieux des élites qui admettront qu'ils ont mérité tout ce qu'ils ont.

Le cas d'antoine n'est pas rare. Thomas Piketty, économiste rappelle dans son dernier livre, Le Capital au XXI siècle, que 10 % des Français héritent de plus ou moins 1 million d'euros. Plus effroyable encore, 10 % des Français détiennent entre 60 % et 65 % du patrimoine hexagonal et 50 % ne possèdent strictement aucun capital. A Sciences-Po, le revenu moyen des parents d'élèves correspond à 10 % des familles française les plus aisées (1).
Alors dans ce contexte, la méritocratie républicaine est toute relative et bien méprisable. 

Depuis mon dernier billet, rien n'a changé ou presque. L'été se termine et en ce début de rentrée, je vomis chaque instant qui passe. Mon patrimoine ridicule, ne me permettrait pas d'acheter ne serait-ce qu'un 30 m carré, alors que dans le même temps, ma chef en est à son quatrième investissement locatif. Mon isolement intellectuel est total. Je ne respire que lorsqu'il m'est donné l'occasion de parler à mes amis. Les lenteurs et le pathos de la France me désespèrent. L'automne approche et la prescription d'antibiotiques tout azimut repart à la hausse. Comme à l'accoutumée, les patients me rapportent des boites neuves de médicament que je jette directement à la poubelle. Le gâchis est total. Le gouvernement enchaîne les nouveaux prélèvements, prétextant combler les déficits, mais dans le même temps il autorise des dépenses de santé exorbitantes, autorisant les prescriptions de traitements coûteux et sans intérêts, toujours au profit de l'industrie pharmaceutique.
Les médias recyclent en boucle les sujets Syriens, et s'accrochent à l'éventualité d'une intervention militaire. Le sensationnalisme d'une pseudo élite mondiale accapare tout l'espace médiatique quand le reste de l'humanité souffre. Pourquoi la France ou même les USA auraient-ils quoi que ce soit à dire sur le sort d'une nation alors même qu'ils pourraient sauver des millions de vie en autorisant l'utilisation de molécules brevetés s'agissant des trithérapies utilisées pour traiter le VIH, et qu'ils ne le font pas ? Drôle de moralistes.

Par curiosité, je lis la publication du World Hapiness Report, publié par l'ONU. La France se classe 25ème, la suisse, elle, est classée 3ème, peut-être devrai-je étudier ce pays (2).
Il me manque encore quelques papiers avant de finaliser mon dossier. Je vis l'immigration sélective de plein fouet. Difficile d'attendre des autres et de subir une telle sélection. Tout va trop lentement et cela pèse, forcément.
Ma chef me casse toujours autant les "couilles". Chaque matin, chaque seconde, chaque minute. Je suis pourtant rigoureux, mais la folie des petits patrons est tout simplement sidérante, déconnectée de toute mesure et de tout tact. Sans véritable contre pouvoir, le petit patron fini tout simplement par perdre pieds, avec le temps. C'est ce que je qualifierai de syndrome du "dictateur". Le "maquereau" ou la "maquerelle" n'a de cesse, que l'analyse journalière de son chiffre d'affaire. Les employés ne sont que des agents économiques, qu'il faut sans cesse surveiller. Je la méprise, son niveau intellectuel est à chier, des lors, à quoi bon la mettre au courant de l'actualité scientifique.
Dans mes derniers post' j'avais parlé de l'inutilité et de la dangerosité de la bromocriptine, prescrit pour arrêter des montées de lait, chez les femmes, après l'accouchement. Il y a deux semaines, l'EMA émettait enfin un avis défavorable à l'utilisation de ce médicament, avec 10 ans de retard.
Mais ça, elle s'en fout, ce qui lui fait mal, c'est la baisse objective de son chiffre d'affaire.

Le salut ne peut venir d'un monde politique en ruine. Un bijoutier tue un bandit, et c'est la nation qui s'enflamme, alors qu'une violence quotidienne, plus sournoise, moins manifeste, ne cesse de renforcer les extrêmes.
Les personnalités politiques s'agitent, aboient, gesticulent, dans un ultime effort afin de capter les voix, qui sauraient perpétuer leur domination et le faste d'un quotidien doré, au milieu des palais républicains. Comment ne pas mépriser un pays, un siècle, une époque, lorsqu'une fille comme Marion Marechal le Pen accède au statut de député.
The great dictator,1940. de Charles Chaplin.

Thomas Picketty propose un impôt progressif sur le capital, complémentaire de l'impôt progressif sur le revenu. L'idée est bonne dans l'absolu, encore faut-il que l'ensemble des nations opte pour cette solution. On imagine difficilement un gouvernement avoir le courage politique d'instaurer pareille taxe. Ainsi, nécessairement, les inégalités vont se creuser jusqu'à un point de non retour. 
Combattre les inégalités et les subir le moins possible deviennent donc les vrais objectifs de guerre, avec pour corollaire, la volonté de survivre et de trouver un sens à sa vie.
Citons Carl von Clausewitz pour qui, "la victoire revient à celui qui tient le dernier quart d'heure." Je tiendrai bon à ce poste le temps que les papiers se fassent, je ne craquerai pas même si chaque seconde m'anéantit un peu plus. "En aucun cas, la guerre n'est un but par elle-même. On ne se bat jamais, paradoxalement, que pour engendrer la paix, une certaine forme de paix." Il est vrai cette guerre avec le petit patronat me tue, m'écœure, me marque au plus profond de moi, mais je me réjouis à l'idée qu'après cela, j'atteindrais enfin l'ataraxie. Du moins pour quelque temps.






Bibliographie :

Olivier Pascal-mousselard. Comment combattre les inégalités ? Les réponses de l'économiste Thomas Pikkety. Télérama N° 3320. Le 31.08.13

lien : http://www.telerama.fr/idees/comment-combattre-les-inegalites-les-reponses-de-l-economiste-thomas-piketty,101515.php



John helliwell, Richard Layard, Jeffreyx Sachs. World hapiness report 2013.



"Gattaca", d'andrew Niccol, 1997.

jeudi 22 août 2013

J-355 : Fight Club et les solutions de nettoyage pour lentilles.

Août. Lundi. Neuf heures trente du soir. Je me prépare psychologiquement à recommencer la semaine, avec l'impression que le week-end est passé à toute vitesse, sans que je puisse vraiment en profiter.
Je cherche à m'évader, m'extasier. Le départ me semble à la fois si loin et si proche à la fois. Mon dossier d'expatriation prend du retard. J'étais sensé envoyer le tout début août, mais la scolarité de la faculté étant fermée, je vais  devoir attendre encore une semaine. Foooke.
Le vague à l'âme, je compte les jours, avec cette sensation nauséabonde de ne pas être à ma place. En escale dans mon propre pays, j'observe les trajectoires individuelles, motivées par le souci du soi et l'effondrement du vivre ensemble. 
Installé à la terrasse d'un café d'un des terminaux de l'aéroport imaginé, je regarde les informations diffusées sur un vieil écran. Marie-Claude Bompard, élue de la République, refuse de marier un couple homosexuel, soit disant incompatible au regard de sa religion. Elle encourt jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et peut être condamnée à une amende de 75 000 euros. Cela choque-t-il les élites, la garde des sceaux ? Non, bien sur, ils sont trop occupés à vernir leur image, à parader, comme on l'a vu durant les journées d'été, d'Europe Ecologie.
La rhétorique, la fumisterie, la démagogie, l'implacable manipulation des masses, ne cesse de crever l'écran. Le peuple, au même instant, s'abreuve de faits divers que la télévision voudra bien leur servir, et lorsqu'un "vieux" se fait assassiner en pleine rue, c'est l'apparence du courage et l'injustice vécue par cette famille qui est récupérée.
Ainsi, deux petits malfrats à scooter, tuent un homme - sûrement sous le coup de la panique - et les masses s'agitent, le ministre de l'intérieur Manuel Valls, en personne, salue d'ailleurs la "bravoure" du sexagénaire, rappelant au passage, les moyens mis en oeuvre pour rechercher son complice. Démarche écoeurante, ridicule et pathétique.

A l'opposé, la "pharmaco-délinquance" qui touche beaucoup plus de français, aux travers les médicaments qu'ils ingurgitent, reste définitivement sous silence (3). Ces enjeux, beaucoup plus profonds, échappent au plus grand nombre, aux profits des cadres de ces grandes compagnies et des hommes politiques courtisés par les lobbystes. Les délinquants de la ville de Marseille monopolisent de fait, tout l'espace audiovisuel et les titres, d'une presse écrite généraliste médiocre. Mais qui se soucie des pressions qu'Irène Frachon à subit durant ses investigations ? Qui se soucie des morts liés au Médiator ? Qui se soucie de ces familles qui ont perdu un proche. Pourquoi personne n'a donc organisé de marche blanche en leur honneur ? 
Qui se souvient des coupables derrière les affaires liées au Distilbène ? à l'Isoméride ? au Vioxx ? Alors que la rémanence populaire ne fait jamais défaut, lorsqu'il s'agit d'assassins célèbres, tels que Guy George, Marc Dutroux et j'en passe. Le sensationnalisme populaire règne en maître.
Pourquoi Manuel Valls ne fait-il pas un discours sur le courage et la pugnacité d'Irène Frachon ? Pourquoi Christiane Taubira, au lieu de citer Césaire, ne poursuit-elle pas ces maires qui bafouent le droit et participent de facto, à la discrimination que subissent régulièrement les homosexuels ?

Je rêve définitivement "d'ailleurs", devant un pays qui n'a pas l'envie, ni le courage de se renouveler. A coté de moi, il y a une femme qui fume une E-cigarette, elle vapote comme on dit. Pas de bol, Il parait qu'elles émettent aussi des substances nocives. "Oui, et ?", ai-je envie de dire. 
Mais surtout, on se demande pourquoi l'ANSM ne statut pas clairement sur le sujet. Pourquoi l'analyse de ces vapeurs, maintenant déclarées toxiques, se retrouve au mains d'une revue comme 60 Millions de consommateurs ? Pourquoi l'Etat est-il systématiquement hors-sujet, à la traîne, à la ramasse ?

Il y a une pharmacie dans l'aéroport. C'est d'ailleurs là, qu'elle a trouvé sa cigarette électronique. La profession, arc-boutée sur ses soi-disant principes de protection des patients, n'a en réalité aucune vergogne à vendre des dispositifs médicaux non contrôlés. La profession m'ennuie, m'aliénant chaque jour un peu plus et consumant les quelques précieux neurones qui me reste. J'ai envie de me sentir exister. J'étouffe, j'ai la "nausée".

Je discute encore un peu avec cette jeune femme. Je la trouve plutôt sympathique. Elle aussi un bac plus six en poche et rêve de quitter la France, pour les mêmes raisons d'ailleurs. Le monde est petit. Je remarque ses lentilles de contact. J'aimerai faire connaissance et lui parler d'autres chose, mais c'est plus fort que moi. Je lui demande alors, quelle solution de décontamination utilise-t-elle ? Elle m'avoue utiliser Renu, mais que dans la précipitation, elle aura oublié son flacon. Pas de panique, la pharmacie de l'aéroport lui aura aussi vendu un petit coffret "spécial voyage", avec à l'intérieur, une solution multiusage. Mais le fait est, que ces solutions posent en réalité problème. Un problème de taille même. 

Les pharmaciens oublient parfois les responsabilités pénales auxquelles ils sont soumis. A ce titre, il serait ainsi judicieux de rappeler qu'ils sont responsables des dispositifs médicaux qui transitent dans leur pharmacie. Le commercial qui aura proposé une bonne remise pour ce lot de solution multiusage "spécial voyage", a-t-il commenté les propriétés intrinsèques de son produit ? Et les pharmaciens qui proposent ces solutions, regardent-ils autre chose que le prix d'achat et les remises proposées ?

Plusieurs publications ont démontré la toxicité des solutions multiusages pour lentilles, sans que le grand publique ne soit forcément au courant. Si elles sont assez commodes, les conservateurs qu'elles contiennent, par exemple les ammoniums quaternaire (benzalkonium chloride, polidronium chloride) ou encore les biguanides, entraînent une toxicité cellulaire et une apoptose des cellules cornéennes à l'origine souvent d'une sensation d'inconfort. Enfin, ces solutions (Renu, Optifree, Jazz,etc.) peuvent être à l'origine de kératites microbiennes nécessitant parfois une hospitalisation et d'autres effets secondaires, parfois graves (1). Qui le sait ?
Les pharmaciens s'en soucient-ils ? La logique étant que si ces produits sont en vente, c'est que ces derniers peuvent bien les vendre. La notion de balance bénéfice-risque échappe encore une fois aux autorités de santé, qui placent le dispositif médical sous statut spécial, nécessitant moins de contrôle. L'affaire des prothèses PIP étant le symbole de ces lacunes.
J'ai la conscience tranquille, je n'ai jamais délivré de solution de ce type. A la place, on préféra les solutions à base de peroxyde d'hydrogène (oxysept, aosept), dont l'efficacité sur les agents fongiques est meilleure, sans effets secondaires notables (2).

Pour me sentir vivant, peut-être devrai-je m'inscrire dans un fight-club, la douleur me rappellerai ainsi, la réalité de mon existence. Pas sur en revanche, que la douleur soit un subterfuge à l'ennui. La révolte, la volonté de changer les choses, sûrement. Tyler Durden aura d'ailleurs exploré cette voie. Mes amis, ma famille, ne sont plus sous solution multiusage, c'est déjà ça. Les lecteurs de ce blog aussi, espérons le. Quid du reste de la population ?
Sans être schizophrène, me voila donc bloqué en transit, dans cet immense aéroport. Je scrute l'heure de mon vol, l'escale semble interminable, mais dans cet effroyable gaspillage temporel, le lieu semble encore propice aux rencontres, aussi fugaces soient-elles. Point de fatalisme, l'envie de connaître l'autre m'anime encore un peu, le salut se trouve encore et toujours dans "la" rencontre, dans "la" bonne discussion. Ici, j'aurai au moins sauvé en partie, ses yeux. Je me sens rassuré, je ne suis pas le seul à vouloir partir. Peut-être ne me reste-t-il enfin, qu'à mettre des gants Mappa.




2. Pinna A, Usai D, Zanetti S, Thomas PA. In Vitro Efficacy of Contact Lens Solutions Against Various Corneal Fungal Isolates. J Ocul Pharmacol Ther. 2013 Apr 25


3. Michel de pracontal.Irène Frachon, le médecin qui découvrit la « pharmaco-délinquance ». Médiapart. 23août 2013.



Fight club de David Fincher, 1999

dimanche 11 août 2013

J-356 : The wolf of wall street et le méthylphénidate.

Journée ordinaire en France. Des agriculteurs jettent des milliers d'oeufs pour protester contre un prix de revient trop bas, les ministres jouent à se tacler, tout en oubliant les missions qui leur incombent, on découvre aussi les 27 millions d'euros de la réserve parlementaire, distribués en toute opacité.

Une journée ordinaire dans le monde. Usain Bolt gagne la finale du 100 m des Championnats du monde de Moscou, alors même que le pays s'enfonce dans une forme d'homophobie d'Etat (1). Au Royaume-Uni, personne ne semble plus s'offusquer du "contrat zéro heure", laissant toute latitude à l'employeur pour décider des horaires de l'employé, alors que dans le même temps, l'appétit sensationnaliste des médias se déchaînaient en toute logique sur la jeune Kate Middleton. C'est aussi la reprise de la ligue 1, le Paris Saint-Germain et son transfert à 64 millions d'euros, le début de la PACES et son bal de prépas privés (2).

- "Dieu est mort", disait Nietzsche dans Le Gai Savoir, et devant l'effondrement de toute morale chrétienne, le capitalisme désormais, triomphe, écrasant toute la concurrence. Les élites parlent souvent de le "moraliser", comme ci l'entité pouvait se laisser apprivoiser, dompter. En réalité, celui-ci existe maintenant par lui-même, et pour lui même. Son appétit sans cesse renouvelé, dicte chaque jour un peu plus, la conduite des Etats, dont les dirigeants ne semblent être que des pantins.
De la même façon que les civilisations précolombiennes pratiquaient le sacrifice humain, notre civilisation hypothèque le bonheur de ses propres enfants afin assouvir l'appétit d'un monstre capitalistique qui n'a pas de visage. La peur qu'il incarne, peur du chômage, peur du vide, peur de la non substantialité matérielle, pousse les parents à transférer leurs propres angoisses à des enfants qui désormais somatisent très tôt. Les pédopsychiatres reçoivent parfois en consultation des élèves du primaire, avec à la clé une ordonnance de ritaline (méthylphénidate), lorsque ce ne sont pas des élèves de maternelle, expliquant au médecin avec leurs mots "qu'à l'école, il faut "cravailler", sinon on n'aura pas un bon métier" (3).

 Comment trouver un sens à son existence, quand chaque journée nous semble être un éternel recommencement, qui n'a de sens, que la perpétuation d'un système capitalistique hideux ?
Au départ, l'enfance rencontre l'ennui, ceci au travers un système scolaire français qui ne saura jamais rien offrir d'autres, qu'une autorité toute puissante et formatrice, éclatant au passage, toute forme d'idéation et les potentialités de chacun. Personne ne s'offusque, ni ne s'étonne lorsque les enfants déclarent s'ennuyer à l'école.
Les adultes trouvent même cela "normal", l'ayant vécu avant eux. Ken Robinson dans son exposé "changing education paradigms", décrit magnifiquement les effets catastrophiques d'un tel système éducatif sur la jeunesse d'une nation. La vidéo est disponible sur le lien suivant : http://www.youtube.com/watch?v=zDZFcDGpL4U
Et lorsqu'on ose évoquer la concertation ou la reforme des rythmes scolaires, c'est tout le lobbying hôtelier, ainsi que les syndicats d'enseignants qui protestent, au mépris de l'épanouissement des enfants.

Si un étudiant me lit, j'aimerai lui dire : 
- Ne fais pas ça. Ne t'inscris pas en pharma', à moins que tu n'aimes l'ordre, les choses établies, et l'autorité. Si c'est le cas, alors tu aimeras sûrement cette forme absolue de soumission et tes pairs sauront te récompenser. T'inscrire en pharma' c'est renoncer à réfléchir, et après la mort de dieu, ça sera la mort de ton esprit. Si tu arrives au bout, le diplôme en poche, tu comprendras l'abjecte vérité, celle du temps volé et ta lente transformation en un agent économique, au service des marchés.

On se demande parfois si l'humanisme a encore sa place, dans un univers dominé par le profit et ou les individus ne sont que des agents économiques. La "santé" ne déroge pas à la règle, que ce soit les visiteurs médicaux, les laboratoires pharmaceutiques, les établissements de santé publique, la tarification à l'acte, cet écosystème se doit aujourd'hui d'être rentable. L'innovation se raréfie, les molécules réellement innovantes se font attendre, le risque, l'audace, s'effacent quand de nouveaux domaines comme le market access, apparaissent et se développent.

L'individu et sa pathologie sont relégués au second rang, tout est prétexte à la monétisation, aux parts de marché. Le DSM-V - bible de la psychiatrie - ne cesse d'inventer, d'imaginer de nouvelles maladies, terreau fertile à des "big pharma" qui recycleront de vieilles molécules éprouvées. Dans cette équation généralisée, l'étudiant, puis le jeune diplômé junior, ne sera qu'un maillon, un rouage qui n'existera que parce que le marché à besoin de lui. Notre société, incapable d'une vision à long terme, s'enfonce dans le court-termisme d'une logique financière, forcement assassine pour sa jeunesse.
Jonas Salk, dans les années 50, inventait le vaccin contre la poliomyélite. Naïf ou éthique, il choisissait de ne pas breveter sa découverte, renonçant selon les estimations à un bénéfice de 7 milliards de dollars. En 2013, la recherche ne semble pas être une priorité. Dans les facultés, les étudiants abandonnent toujours un peu plus l'idée de changer le monde. Les rêves s'éteignent, année après année, au profit d'un pragmatisme économique. Il faudra chercher "le bon Master", pour décrocher "le bon stage", pour décrocher "le bon job", aussi chiant soit-il. La faute à des structures de recherche sous financées, et n'offrant que peu de places.

Les Jonas Salk sont mort. Place aux requins de la finance. Bill Gates, autoproclamé "philanthrope", aux côtés de GSK, auront investi respectivement 200 et 300 millions de dollars dans un vaccin contre le paludisme. Le président de la firme GSK, Andrew Witty, annonce sans gène, projeter un petit profit de l'ordre de 5 %, pour ne pas décourager la recherche, selon lui. Cynisme total, encore et toujours, pourquoi s'en priverait-il ?(4)
La magnanimie n'est plus de ce monde. Les talents, les individualités courent vers la rentabilisation de leur intelligence, et la maximisation des profits.
Sans parler de Bill Gates, c'est le principe de rareté qui prédomine. L'offre et la demande dit-on, si on se réfère aux principes du capitalisme.
Ainsi, certains médecins "mercenaires" n'hésitent pas à se faire payer 3000 euros les vingt-quatre heures de garde, raconte le directeur de l'hôpital de Vienne. En général, cela tourne aux alentours des 1 400 euros les vingt-quatre heures incluant la garde, si on se focalise sur la spécialité d'anesthésie-réanimation ou de la médecine d'urgence (5).

Basculement des valeurs, entre un Jonas Salk crachant sur 7 milliards et un "mercenaire" à 3000 euros/jour. "Il n'y a rien de honteux à cela", dit une jeune médecin dans entretien paru sur le monde.fr. Effectivement, mais sa petite entreprise intellectuelle n'existe que parce que les gouvernements successifs ont maintenu cette rareté. Le numerus clausus, cousin lointain des concours des grandes écoles, participe chaque année au maintien d'une caste, jouissant d'un savoir médical et s'appropriant son exploitation, manifestement de plus en plus dérégulée. Logique des marché, encore.

"Il n y a rien de honteux à cela", "une envie de liberté", "travailler moins, pour gagner plus", la même attitude égoïste, le même trait narcissique et individualiste, consistant à croire que sa prospérité légitime ; est légitimée par un concours ouvert à tous, ne se faisant donc, sur le dos de personne.
"Elle ne l'a pas volé", pourrait t-elle presque dire.

Qui rêve encore de changer le monde ? Pfff, c'est tellement has been.
Les contingences des lois du marché, imposent nécessairement l'individualisme. La coopération ne peut exister en l'état. Les concours obligent les jeunes à concevoir la vie comme une infinie compétition. Compétition dès la fac, compétition aux entretiens d'embauche, compétition une fois en poste. La notion de développement durable explose devant une logique financière implacable. Les dominants et leur progéniture ne s'y trompent pas. Les grandes écoles font le plein, la meute effrayée par tant d'incertitudes, cherche à tout prix une place dans le haut du panier. L'école polytechnique - l'X-, l'École normale supérieure, L'École des ponts, l'École centrale, ne forment pas des prix Nobel, non, ils se content de s'adapter et offrent les meilleures formations en mathématiques financières (6). Les jeunes et brillants esprits de notre nation, ne rêvent plus d'absolu. La bulle matérielle et la sécurité financière deviennent le nouvel idéal, où l'appartement parisien, la nouvelle voiture, le dernier téléphone, cristallisent le sentiment du succès. 
A cette jeune médecin "mercenaire", à ces jeunes apprentis traders, j'ai envie de dire :
-"Peut-être n'avez vous pas honte, certes. Reconnaissez néanmoins que le mérite ne vous en revient pas. Qu'à la loterie génétique vous avez été bien loti, et que votre subsistance n'est possible, que parce que votre caste l'a bien consentie. Vous devez tout à vos parents."

Pour ceux qui ont encore une once de rêve, ceux dont je me sens proche, j'ai envie de dire, unissons nous, luttons, à notre échelle. Cultivons le Bien, le Beau et le Vrai (Platon). Commençons donc, et n'achetons pas d'iphone, n'obligeons pas nos enfants à faire une prépa', méprisons GSK, pleurons ceux qui vivent par et pour leur travail, vomissons sur ces médecins "mercenaires", ces traders...

Car si le capitalisme et ses loups ont déjà tout achetés, y compris notre temps, et nos vies, il est une chose qui demeurera, ce sont nos idées et nos rêves.




Bibliographie : 

1. Depêche AFP, "Russie : Poutine promulgue la loi contre la "propagande" 
    homosexuelle", lenouvelobs.com, 2013.
     lien : http://tempsreel.nouvelobs.com/topnews/20130630.AFP8023/russie-poutine-signe-la-loi-contre-la-propagande-homosexuelle.html


2. Isabelle Rey-Lefebvre, "Le tutorat des étudiants en médecine s'organise face 
    aux prépas privées." Lemonde.fr, 2013.
      Lien : http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/08/06/le-tutorat-des-etudiants-en-medecine-s-organise-face-aux-prepas-privees_3457942_3224.html

3. Martine Laronche, "Elèves trop stressés : la faute aux parents?".
    Lemonde.fr, 2013.
      Lien : http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/04/13/eleves-trop-stresses-la-faute-aux-parents_1180067_3224.html


4. Le vaccin selon Bill Gates.
    Lien : http://www.youtube.com/watch?v=bxGN3NiS6aU

5. Laetitia Clavreul. "Médecin mercenaire ? "Il n'y a rien de honteux à cela". 
    Lemonde.fr,2013.
    Lien : http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/08/12/medecin-mercenaire-il-n-y-a-rien-de-honteux-a-cela_3460251_3224.html



6. Isabelle Rey-Lefebvre. "Les formations à la finance se réinventent avec la 
    crise". Lemonde.fr,2013.
    Lien : http://www.lemonde.fr/education/article/2013/01/30/les-formations-a-la-finance-se-reinventent-avec-la-crise_1824389_1473685.html





"The Wolf of Wall Street", de Martin Scorsese, 2013.

mardi 6 août 2013

J-357 : Fémara, les préparateurs, la mine de charbon et "la Route" .

Nous avons bien avancé aujourd'hui. Au fond de la mine, l'air chaud, le souffle court, nous creusons un peu plus. La pioche m'écorche les mains, j'ai le visage plein de suie. De l'autre coté de la galerie, je vois mes amis, le visage en sueur, le regard vitreux, l'air hagard. Une journée de plus à la mine...

Je cligne des yeux, et sors de ma torpeur. Le décor ne change pas tellement. Je suis catapulté en officine. Il pleut aujourd'hui, chouette, il y aura moins de monde. Ça me laissera enfin le temps de lire les articles qui s'accumulent sur mon bureau. J'essaye de ne pas trop focaliser mon regard sur un endroit spécifique, ça pourrait me donner la nausée.
L'endroit m'écoeure, je tourne la tête. Il y a à gauche un mur remplit de grossières conneries, du "top slim" ventre plat, des draineurs, des substituts de repas, des eaux de toilettes. Je tourne un peu plus. Le décors défile, et avec lui, son lot d'absurdité. Un sac de plage, "offert" pour l'achat de produits solaires, une peluche, des galets pour huile essentielle, un authentique "Elixir de marabout", un "Philtre légendaire et centenaire" et des médicaments OTC, évidemment.

La "chef" est toujours en vacance, je me retrouve avec 2 préparatrices et un préparateur.   
Enfin, "assimilé" préparateur, ayant raté le concours du brevet professionnel. Peu importe, il est dans l'équipe depuis 15 ans, et cela ne semble pas gêner le pharmacien titulaire. État de fait donc, mais aussi tolérance des autorités de santé et des inspecteurs en pharmacie - sous dotés - qui semblent fermer les yeux sur une tradition française, encore une.
Mélange des genres, où les rôles, missions et fonctions de chacun, s'entrecroisent, s'entrechoquent et finissent par s'annihiler. Au sens littéral, le préparateur "prépare". Sa mission première, celle qui lui est intrinsèquement dévolue, consiste en la préparation des médicaments, mais avec l'avènement de l'industrialisation et l'essor de la chimie, celle-là aura disparue, cannibalisée par l'émergence des spécialités toute faites.
Mais nécessité fait loi et les pharmaciens titulaires auront donc logiquement impliqué les préparateurs au comptoir, assassinant par là même, leur propre identité.

Car, il ne suffit pas de mettre un badge, une chemise ou une robe pour se démarquer de la blouse blanches des préparateurs. La simple dichotomie vestimentaire n'a jamais servie à délimiter les rôles en pharmacie, puisque les éléments qui y officient remplissent la même fonction. C'est un constat et une forme de laxisme généralisé. Lorsqu'une préparatrice ou un préparateur, délivrent au comptoir, ils font non seulement un acte qui n'est pas de leur ressort ; plus grave encore, ils vident l'acte pharmaceutique lui même de toute sa substance.
La tarification assistée par le logiciel, la lecture de l'ordonnance, ainsi que la libération des boîtes, si elles se font dans le bon ordre et dans le respect des attentes de la sécurité sociale, posent en réalité problème, celui de l'analyse pharmaceutique.
Le pharmacien titulaire, en tolérant cet état de fait se dérobe aux impératifs, et fait fi des responsabilités qui lui incombent. Pour le patient qui se pointe à l'officine c'est comme jouer à la roulette dans un casino. Il aura une chance sur quatre de tomber sur un pharmacien, mais à ses yeux, la perte de chance ne sera pas forcément apparente, puisqu'en rentrant dans une officine il pensera nécessairement bénéficier, de façon légitime d'ailleurs, d'une qualité d'analyse égale, et supposée présente, une fois le comptoir atteint.



La journée continue, j'entends les préparatrices débiter des inepties, relais des laboratoires pharmaceutiques venus prêcher la bonne parole sur tel ou tel nouveaux produits ; j'assiste désabusé, attristé, au spectacle de la pensée unique et aux méfaits d'un marketing ciblé, associée à une confiance aveugle en leur expérience "biaisée" du comptoir.
Conseiller depuis 15 ans de la cortisone en crème pour soigner les piqûres de moustiques, ce n'est pas faire preuve de son efficacité, pas plus que conseiller systématiquement la Biafine en présence d'une brûlure, celle-ci n'est d'ailleurs pas plus efficace qu'une simple vaseline officinale.
L'erreur est fréquente chez les patients. Allez à la pharmacie, c'est aller chez "LE" pharmacien, peut importe l'interlocuteur auquel il ou elle, s'adressera. 
Le champ d'application des responsabilités est un problème essentiel, qui ne semble pourtant gêner personne.

Je me sens seul au fond de cette mine ou les bruits de pioches et les roulement de bennes, masquent le paradoxal silence des esprits. J'aimerai partager la lecture de mes articles avec mes collègues, développer des idées, revenir sur certains protocoles de soins, casser certaines certitudes, mais elles préfèrent parler "vacance".
Dans cette galère je ne suis pas seul, et mes amis se cassent eux-aussi le cul à creuser. Chacun sa peine. Dr.B, me raconte lors d'un dîner :

- Envie de baffer cette putain de maquerelle de P.R (pharmacien responsable)

Mon amie, Dr.B, pharmacienne junior dans l'industrie pharmaceutique, prend cher. Les pervers, tout comme les perverses narcissiques, scotchés à leur poste de senior, délèguent et ne cessent de mépriser une jeunesse qui ne fait que récupérer des miettes, au travers la gestion de taches et de dossiers moribonds et insignifiants, quand ils ne passent pas des entretiens d'embauches révoltants.

On creuse, on creuse, la journée n'est pas encore terminée.

Mes camarades et moi-même aurions pu être destinés à de grandes choses. Dr.B a eu 20 en chimie organique la premier année. Brillant, rapide, un esprit vif, qui aura rapidement compris l'imposture aussi en deuxième année, et qui aura petit à petit perdu la flamme, le feu sacré. Puis un cursus classique et un "diplôme en ennuis mortel", avec le sentiment parfois d'être passé à coté de grandes choses. Dr.C a suivi aussi le même parcours, avec l'obligation maintenant de payer son loyer et de ne plus être nécessairement libre. Ils creusent en silence et avec dignité, attendant la gamelle du soir et la douche chaude, apaisante.

Je cligne des yeux, me revoilà catapulté à mon officine. Une femme entre, et me ramène 20 boites de compléments alimentaires pour nutrition entérale suite à une hospitalisation à domicile. Extubée plus tôt, elle peut se nourrir de nouveau, et ces 20 boites sont maintenant destinées à la destruction. Je repense aussitôt à la photo de Kevin Carter, où cet enfant squelettique se traîne par terre, avec en toile de fond, un vautour, près à lui sauter dessus (1). J'essaye de comprendre le déphasage, l'absurdité de cette époque, l'égoïsme et le cynisme constant de nos élites. Pourquoi cet Homme que Hobbes décrit, est-il nécessairement un loup ? 

Une fois ma douche chaude prise, je ne peux me résigner à penser à autre chose. L'absurdité m'obsède. J'allume la télévision un instant. Roselyne Bachelot, Docteur en pharmacie, et ancienne ministre de la santé jusqu'en 2010, apparaît dans un jeu télévisé sur Canal Plus, au coté de la présentatrice Maïtena Biraben, résumant ainsi l'étoffe et l'héritage crépusculaire de nos élites.
Je m'amuse enfin, à calculer le "chiffre d'affaire humanitaire" gaspillé. 
Résumons, 20 boites de Peptamen® (nutrition entérale), comptons aussi, ces deux patientes nouvellement mises sous Femara® (létrozole), un médicament utilisé comme traitement adjuvant dans les cancers du sein, à 116 euros la boite, sept fois plus cher que le tamoxifene, ayant la même indication, sans supériorité démontré, soit une dépense supplémentaire de 1200 euros/an, par patiente, sans avantages démontrés (2).

Les visiteurs médicaux auront eu ici à coeur de faire leur travail, celui-ci se faisant exclusivement au "détriment des intérêts des patients, des caisses d'assurances maladie et de la gestion des risques sanitaires" (3). Les médecins s'estimeront toujours indépendants même si toutes les données de la littérature médicale prouvent le contraire, mais à force de saigner la bête, celle-ci - l'assurance maladie - finira par tirer sa révérence. Et peut-être un jour, suivrons nous l'effroyable destin Grec, ou les patients ne bénéficient plus de couverture maladie après un an de chômage. Peut-être alors, verrons nous aussi à notre tour, des histoires comme celle d'Elena, souffrant d'un cancer du sein métastasé, et ne pouvant s'offrir une chimiothérapie faut de couverture sociale, ou encore ces patients qui ne pourrons bénéficier d'Erbitux, celui-ci n'étant plus livré en Grèce à causes des retards de paiement récurant. Rêvons d'un choc, d'une prise de conscience salutaire, d'un humanisme éclairé et retrouvé, car à ce rythme là, The Road,  le roman post-apocalyptique de Cormac McCarthy ne sera plus une fiction.





1. Pauline Auzou, "Une si pensante image", lemonde.fr 2013

    Lien : http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/07/26/une-si-pesante-image_3454254_3246.html

2. Létrozole- fémara- Cancer du sein : pas d'avantage en traitement adjuvant de 1re ligne. La revue prescrire 2007; 27 (282) :250

3. Eric Favereau, "Du poids du visiteur médical sur l'ordonnance." Libération.fr, 2012


4. Liz Alderman, "Amid Cutbacks, Greek Doctors offer message to poor : You are not alone." the new york times, 2012.


Lien :  http://www.nytimes.com/2012/10/25/world/europe/greek-unemployed-cut-off-from-medical-treatment.html?pagewanted=all

   En français : http://www.presseurop.eu/fr/content/article/2964101-les-robin-des-bois-de-la-medecine-grecque






































La route, de John Hilcoat, 2009

jeudi 1 août 2013

J-358 : L'effet papillon, Zithromax et le cholécalciferol.

Vendredi soir, 22h45. La semaine n'est pas tout à fait terminée, loin s'en faut. En musique de fond, une nocturne de Chopin contraste avec le bruit strident des pots d'échappements trafiqués. Les dealers sont de sortie comme à leur habitude. La chaleur elle, laisse place petit à petit au tonnerre, annonçant ainsi un bel orage d'été. Je commence l'écriture de ce billet, essayant de rassembler quelques idées, mais la fatigue l'emporte. Je reprendrai demain.

Samedi soir, 23h03. Le moment de coucher quelques pensées. La "big boss" est en vacance, dans sa résidence secondaire. Moins surveillé, je suis pourtant pleinement conscient des responsabilités qui m'incombent. L'occasion aussi, d'exercer l'art de la pharmacie comme je l'entends.
Je regarde discrètement ma montre, les heures passent et les patient défilent, avec l'impression parfois, de revivre éternellement la même journée. Une routine pesante, étouffante, qui commence immanquablement par la levée du rideau de fer, et le démarrage du logiciel. Des inconditionnels attendent fréquemment l'ouverture dès 9 h, souvent pour des broutilles. Ce matin, la première patiente me tend une ordonnance pour 2 boîtes de zolpidem (un hypnotique) et s'en va aussitôt. J'essaye de ne pas la regarder dans les yeux, une forme de mépris, de dédain pourrait m'envahir, et je n'ai pas envie de commencer la journée par un sentiment aussi malsain. 

10 h, je socialise un peu avec les préparatrices. Elles sont profondément gentilles, loyales et sincères. La chef les a formatées, conditionnées, pour offrir un service pharmaceutique décent. L'accueil qu'elles réservent aux clients est souvent parfait, et devant tant de courbettes, les clients ne s'y trompent pas et se dirigent donc droit vers elles, sans même me prêter attention.
La confidentialité n'existe pas ou très peu en officine, c'est une sorte de place publique, un agora. J'assiste donc souvent, et ce malgré moi, à la valse quotidienne des commentaires populistes, racistes et parfois homophobes.
J'aimerais être exempté de ce grotesque, de ce pathétique, la faute malheureusement à ces comptoirs hideux, collés les uns aux autres, de sorte que la délivrance devient plutôt une représentation, une audience, s'éloignant de l'entretien confidentiel, transformant ainsi l'espace en un véritable "comptoir de café médical".

Pire que la routine, l'aliénation. L'acte de délivrance plonge petit à petit celui qui s'y attache, dans un processus de dépersonnalisation lié à la répétition des actes de facturation. Au lieu de créer de la valeur ajoutée, la délivrance déconstruit l'être et le sens même de notre existence. Suis-je formé pour réfléchir ou ma vie n'a t-elle de sens en tant qu'agent économique, que la pression successive de la touche "entrée" ? A quoi me servent donc mes connaissances si "scanner" les ordonnances importe plus que mon analyse pharmaceutique ?  L'interrogation, le talent, la personnalité, s'effacent devant le code de l'opérateur et son objet : la facture. L'essentiel résidant dans le remboursement par la sécurité sociale, lui même conditionné par la gestion parfaite, des dites factures. Le reste n'a finalement que peu d'intérêt.

Milieu de journée, je respire profondément, j'essaye de trouver une branche à laquelle m'accrocher. Il en va de la survie de mes neurones et de ma personnalité. Je ne me laisserai pas ainsi déposséder de toute mon essence. Car, c'est véritablement l'inauthenticité de ma propre existence qui me guette d'un coin de l'oeil.
Il est difficile de trouver un quelconque réconfort intellectuel et la journée brille par sa platitude.
Il y a ce couple qui vient pour la troisième fois cette semaine et qui me glisse une énième ordonnance d'homéopathie. Je ne possède malheureusement pas les souches demandées, il faudra donc les commander. Je ricane ou je pleure intérieurement, peut-être bien les deux, devant tant de croyance et de naïveté. Cette fois-ci l'homéopathe leur a prescrit les souches suivantes : rayons x 9 CH , gun powder - poudre à canon - 12 CH et zones pileuses 6 CH.
Je ne fais aucun commentaire et délivre l'ordonnance aussi vite que possible pour me débarrasser d'eux. Des rayons x en granules ? Il fallait tout de même oser, et que dire "des poils" sucrés...

Au même instant, un homme entre et siffle en attendant son tour. Trois personnes attendent déjà avant lui, je suis moi même avec une patiente atteinte d'un cancer du sein. Début de sa chimiothérapie, je lui explique doucement les effets secondaires à venir. Au même instant, l'imbécile heureux continue de siffloter, n'imaginant pas le délicat de la conversation dans laquelle je suis. En fait, j'aimerai bien le lui dire moi, de fermer sa putain de bouche, mais d'après ma chef : "le client est toujours roi", alors il a bien le droit de siffler. 
La patiente cancéreuse finit par s'en aller. Au tour de l'imbécile. Je déchiffre facilement son ordonnance et le mal de  gorge dont il souffre ainsi que le déficit en vitamine D. Par conséquent, je lui délivre la dixième boite d'azithromicine ainsi que la quarantième boite d'uvedose de la journée. Et, pendant que je clôture financièrement son dossier, le client d'une haleine fétide s'autorise une tirade sur le scandale supposé des médicaments génériques. Encore une fois je ne dis rien.

Le balais incessant des ordonnances toutes identiques à quelques détails près, finit par me donner la nausée. La platitude des commentaires, ainsi que le va et vient incessant des tiroirs à médicaments délivrant toujours les mêmes kardegic, tahor et autres inexium, finissent enfin par me faire rêver d'une autre vie.
Ashton Kutcher dans l'effet papillon, a le pouvoir de revenir en arrière et de changer le court de sa vie. Une telle attitude si elle a le mérite d'être romantique au cinéma, ne peut pas trouver un écho dans la vraie vie. On lui préférera en réalité l'extrait suivant, tiré du poème the laughing heart de charles Bukowski (1) : 

"your life is your life  
 don't let it be clubbed into dank submission. 
 be on the watch.
 there are ways out.
 there is light somewhere.
 it may not be much light but
 it beats the darkness.
 be on the watch..."

" Ta vie est ta vie.
   Ne te laisse pas abattre par une soumission moite.
   Sois à l'affût.
   Il a des issues. 
   Il y a une lumière quelque part.
  Pas bien forte peut-être mais elle chasse les ténèbres.
  Sois à l'affût..."

La lumière n'est jamais très loin pour peu qu'on ait le courage de la voir, de la suivre. En fin de journée, il y avait cette jeune femme, qui sortait de la maternité et qui avait fait le choix de ne pas allaiter. Une sage-femme lui avait néanmoins prescrit de la bromocriptine (parlodel), un médicament utilisé pour freiner les montés de lait.
La logique aurait voulu que je délivre cette boîte sans sourciller, le médicament ayant une AMM. C'est pourtant dans ces petits instants que l'on choisi qui nous voulons être.
Face à cette jeune maman, j'oubliais le dégoût, la fatigue, et l'ennui. Elle méritait une information loyale, le traitement impliquant un dérivé de l'ergot de seigle provoquant souvent des vertiges, nausées, vomissement et des hypotensions, sans parler du risque de complications cardiovasculaires et l'observation de cas mortels, ne justifiant pas l'emploi de cette molécule dans cette indication (2). 
Une fois expliqué les alternatives thérapeutiques, la jeune femme choisira finalement de ne pas prendre ce médicament, rappelant ici l'essence même de notre métier.

Un peu plus tôt dans l'après-midi, j'alertais une autre patiente sur des lésions étranges suite à une prise d'antibiotiques évoquant là, un cas de toxidermie associé à la prise de metronidazole et nécessitant une déclaration auprès du centre de pharmacovigilance.
Le médecin du centre régional de pharmacovigilance également investi dans la protection des patients éveillait chez moi un vrai sentiment de confraternité, un destin partagé dirigé vers la protection des patients. Une pause intellectuelle ou c'est véritablement le soucis de l'autre qui l'emportait sur toutes formes de considération marchande.


En conclusion, c'est l'humanité entière qu'on côtoie dans une pharmacie. Notre personnalité, nos façons d'être, qui nous sommes, se retrouvent dans nos rapports face aux médicaments, aux soins et à la mort. Le défi, si tant est qu'il en existe un, sera finalement de garder une once d'empathie pour son prochain et un intérêt pour l'Autre, dans un environnement bruyant, et aliénant qui n'aura de cesse que favoriser la perte du Soi et la perte d'envie. 
"Tu ne peux pas battre la mort, mais tu peux battre la mort dans la vie, parfois. Et plus tu apprendras à le faire, plus il y a aura de lumière. Your life is your life. Know it while you have it. You are marvelous, the gods wait to delight in you." Inspirons nous de ces quelques vers et visons donc une forme d'idéal. Un idéal ou notre indépendance ne serait pas hypothéquée pour un salaire, un idéal où l'intérêt des patients passerait avant tout et où nos intelligences trouveraient leur pleine mesure. Un idéal enfin, où nos idées seraient prises en compte.

- Soyons à l'affût.


3h47, le coeur léger, je m'en vais me coucher.




1. Charles Bukwoski, "the laughing heart", tiré du livre : Betting on the Muse : Poems and    
     Stories.

2. "Inhibition de la lactation : gare aux agonistes dopaminergiques", la revue prescrire 

      2010 ; 30 (325) :828

Extra Large Movie Poster Image for The Butterfly Effect

 The butterfly effect. d'eric Bess, 2004

dimanche 28 juillet 2013

J-359 : Vastarel®, l'homéopathie et "Hannah Arendt".

Le 23 Juillet, Marisol Touraine, ministre de la santé, était en visite dans une maison de retraite, l'occasion de rappeler aux occupants l'importance d'une bonne hydratation en cette période de forte chaleur (1).
Outre la médiocrité affligeante de ce déplacement et sa mise en scène ridicule, ce qui frappe, c'est l'abandon de toutes formes de responsabilités chez nos élites, en même temps que leur inanité.
Le peuple, au travers une lutte acharnée, aura permis la construction d'un système égalitaire :  l'Assurance maladie. Mais l'universalité, ainsi que l'essence même de ce système de soins sont remis en question, la faute à une classe politique, qui n'a de cesse, que la conservation du pouvoir au travers les différentes échéances électorales.

Fatalement, et face à un État et des institutions moralement en ruine, les individualités aux appétits aiguisés, profitant dès lors, d'un capitalisme in fine dérégulé, oeuvrent vers une logique de maximisation des profits et une aversion pour les pertes, au mépris de toute vie humaine.
A ce jeu là, Jaques Servier - présumé innocent - aura tout gagné. En bénéficiant d'une législation laxiste, concernant l'octroi des AMM, et s'appuyant à un système de pharmacovigilance défaillant, il aura écoulé son médiator® durant des années. Une fois le scandale révélé, l'instruction, toujours en cours, nous offre un spectacle effarant.
D'un cynisme absolu, le groupe Servier aura proposé une indemnisation aux victimes, conditionnée par l'abandon de toutes poursuites judiciaires. Suscitant un véritable tollé, le groupe sera obligé un peu plus tard, de revenir en arrière (2).

- "Vendre des armes, c'est comme vendre des aspirateurs, on passe des coups de fil, on fait des kilomètres, on prend des commandes..." (3)

Dans Lord of War, Nicolas Cage décrit son entreprise, comme une entreprise banale. Un marché trivial qui serait fatalement occupé par un autre, si il venait lui-même à l'abandonner.
Les "seigneurs de guerre" ne travaillent jamais seul. Ce sont les généraux, les sous-fifres, qui se mouillent, occupent le terrain, terrifient les concurrents, cherchent des clients. Mais dans ce casino géant, on ne gagne pas à tous les coups, et les seigneurs tombent, parfois. Dans le dossier du médiator, ce sont cinq nouvelles mises en examen, peut-on lire dans l'article de Simon Piel, paru sur le monde.fr ; qui nous rappellent, l'existence d'un système de santé gangrené par les conflits d'intérêts.
Parmi les prévenus, quatre médecins qui étaient membres de la commission d'autorisation de mise sur le marché (AMM), mis en examens entre autre, pour  : "participation illégale d'un fonctionnaire dans une entreprise précédemment contrôlée", "prise illégale d'intérêt", "corruption", "complicité de tromperie" et "complicité d'obtention indue d'autorisation". Rien que ça (4).

Ces quelques coups d'éclats, d'une justice isolée et manquant de moyens, ne suffiront pas à tuer l'Hydre, dont les multiples têtes nous rappellent qu'une telle entité se doit d'être encadrée. Mais nous se sommes pas en pleine Grèce antique et la ministre de la santé n'a pas le courage d'un Héraclès. L'espoir repose donc sur les individualités, forcement.

Jeudi matin, une vieille dame me présente son ordonnance. C'est plus fort que moi, je me sens obligé - même en présence du pharmacien titulaire - de prévenir cette patiente de longue date, que la trimétazidine (vastarel®) - aussi produit par Servier- qu'on lui a prescrit et qu'elle s'apprête à prendre, expose à de nombreux effets secondaires, et que sa balance bénéfice-risque défavorable imposerait l'abandon de son utilisation (5). Si c'était le seul médicament... 
Continuant l'analyse de son ordonnance, et ne pouvant décemment me taire, c'est vraiment plus fort que moi, je lui expose les risques attachés à la prise de ranélate de strontium (protélos®), qu'elle prend pour son ostéoporose, tout comme les risques afférents à la prise d'etifoxine (Strésam®), supposé calmer ses angoisses.

Si omettre des informations ne semble par préjudiciable lors de la prise de granulés homéopathiques, il en est autrement des médicaments allopathiques. Les pharmaciens français, au mépris de la loi du 4 mars 2002 relative à l'information et au droits des patients, se contentent bien souvent, de simplement vérifier l'absence de contre-indications, les posologies, ainsi que le respect des indications des médicaments prescrits, omettant l'exposé des risques liés à l'utilisation de chaque molécule. 
Le pharmacien ne serait pas alarmiste, ni ne manquerait à son devoir de confraternité en analysant réellement l'ordonnance. Il ne ferait que son travail.

Le patient a le droit de savoir que le vastarel prescrit, expose a des symptômes parkinsoniens entre autres, pour une efficacité modeste, au pire inexistante (5). Le patient a le droit de savoir que la prise de ranélate de strontium, expose à un syndrome d'hypersensibilité multiorganique d'origine médicamenteuse, se manifestant par une éruption cutanée généralisée, une fièvre élevée, et une atteinte viscérale (hépatique, rénale, et pulmonaire), avec une mortalité de 10% (6).
Le patient a le droit de savoir, que les granulés homéopathiques qui lui ont été prescrits au vu de ses symptômes, ne contiennent que du sucre, qu'ils sont fabriqués après un processus de dilutions multiples, ne possèdent aucun effet pharmacologique, et qu'il ne pourra en conséquence, s'attendre à rien d'autre - au delà du goût sucré en bouche - qu'à un effet placebo, bénéfique à hauteur de 30%.

En occultant ces informations essentielles nécessaires à un choix éclairé, et en résumant l'acte de délivrance à un simple processus légal de vérification, en conformité avec les désirs du prescripteur, en vu d'un remboursement par l'assurance maladie, le pharmacien devient un "dealer". Si on prend la définition première du dealer, en tant que personne donnant une drogue, de la main à la main, en échange d'une somme d'argent, oubliant les risques potentiels encourus par l'usager.

Je ne peux me résoudre à une telle situation, scandaleuse, inadmissible et révoltante. Cette vision verticale et paternaliste de la médecine, où "le père dit, l'enfant exécute", m'écoeure et déshonore la profession de pharmacien,  fondamentalement bonne et nécessaire, mais qui semble chercher son équilibre.
La rémunération du pharmacien - étant le spécialiste du médicament - devrait être fondée exclusivement sur son travail d'analyse et ses capacités d'expertise, allant jusqu'au refus de délivrance s'il le fallait, attendu la protection nécessaire et absolue du patient. Cette disposition existe d'ailleurs dans le code de santé publique, mais n'est jamais utilisée en pratique.
Vouloir rester à un système ancré sur une rémunération basée sur la marge est une preuve de lâcheté, au pire d'incompétence. Ni plus, ni moins. Ceux, qui diront le contraire, n'auront pas le courage d'avouer autre chose, si ce n'est l'impérieuse nécessité de rembourser le prêt attaché à leur fonds de commerce.

Alors fuyons, fuyons à défaut de pouvoir reformer un État quasi démissionnaire, abandonnant le sort de ses citoyens à une industrie pharmaceutique immorale et à des agents économiques motivés par leurs seuls intérêts personnels. Hanah Arendt, a introduit le concept de banalité du mal. Inspirons-nous de sa brillante analyse ici. Les individus, lorsqu'ils ne font que suivre les règles, suivre ce qui leur est permis, autorisé, indiqué, sans penser au destin possible des autres sujets, perdent en quelque sorte de leur humanité. Ce qu'on appellera ici, "la banalité du bien". 

Délivrer un médicament, prescrire un médicament, ce sont là des actes important, des actes responsables. Tous les pharmaciens et tous les médecins le savent. Les professionnels de santé accompagnent ainsi souvent les prescriptions et les délivrances de conseils. Protégez-vous du soleil, prenez ce médicament le matin, celui-là plutôt aux repas, etc...

Mais la responsabilité ne s'arrête pas à ces conseils. Un médicament n'est pas nécessairement bon, il peut-être mauvais. Ne banalisons pas son bien fondé.

Pour le médiator, c'est l'AMM qui a conditionné les prescriptions massives, et donc les délivrances automatiques dans toutes les pharmacies. Personne n'était responsable, personne n'était au courant, soi-disant, alors même que la revue prescrire  émettait des doutes justifiés et étayés, conseillant sa non utilisation.

"Pourvoir", n'est pas forcément "devoir". Évitons une autre affaire de ce type. A notre échelle, formons-nous, les universités faisant l'impasse sur ces questions essentielles, liées à l'indépendance de l'information médicale. Un nouveau médicament est-il forcement meilleur qu'un vieux ? Ce traitement est-il forcement adapté ? Le patient est-il au courant des risques qu'il prend ? Sommes-nous tout à fait honnête vis à vis de lui ? Il existe des revues indépendantes, il suffit de les lire. Car, on ne pourra pas éternellement se cacher derrière cet argument : 

- "I did not know..." (7).




Bibliographie : 



1.Marisol touraine en déplacement. : 

2. Mediator : Servier ne conditionne plus l'indemnisation à l'abandon des poursuites. Les échos. N°2084 :28

3. Bande annonce, Lord of war, 2005
4.Simon Piel, Cinq nouvelles mises en examen dans le dossier du Mediator. Lemonde.fr, 2013.

5. "Trimétazidine et restrictions d'utilisation : insuffisances des autorités de santé européennes" Revue Prescrire 2013 ; 33 (357) : 507.

6. "Stontium et ostéoporose. A écarter". Revue Prescrire 2013 ; 33 (354) : 267.

7. Retranscription de l'intérogatoire d'Eichmann par Avner Less, utilisé lors du procès de Nuremberg.





 Hannah Arendt, de M.Von Trotta, 2012

mercredi 24 juillet 2013

J-360 : Dukan, le ketchup et Matrix.

-"I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of is creed...". Citons ici Martin Luther King et la beauté des rêves parfois réalisés (1).
La grandeur d'un homme se révèle souvent aux messages qu'il transmet, inspirant souvent les foules et les individualités en quête d'espoir et d'idéal, pour le meilleur et pour le pire, l'Histoire nous l'a suffisamment montré. 
Ainsi, l'universalisme passé et flamboyant d'un Martin Luther King, rencontre aujourd'hui, le capitalisme affligeant et navrant, d'un Pierre Dukan. 

En 2012, à peu près 7 000 000 de français étaient obèses, soit environ 15 % de la population française, sans qu'on ne se pose réellement de questions (2). Dans une société de plus en plus anxiogène, où le culte de la performance participe au sentiment d'insécurité, "l'émotionalité alimentaire" - le fait de manger sous le coup de l'émotion - semble être une des raisons à ce surpoids, notamment chez les femmes. La culture de l'instantanéité, celle du "tout, tout de suite" pousse les individus peu éclairés vers des aliments trop sucrés, trop salés.
De l'autre côté de l'échiquier, observons le mirage constant de la perfection.
Des marques comme Abercrombie et Fitch au travers leurs vêtements, promettent une forme d'exclusivité, celle d'appartenir à un idéal, celui des gens beaux (3).
Les parfums, les magazines, les publicités, la télévision, le cinéma, les sites de rencontre, tout concours à polariser le monde des dieux et celui des mortels. 

Pierre Dukan est un opportuniste. Grâce a son titre de docteur en médecine, il aura su appuyer un discours pseudo-scientifique et en faire une marque : le régime Dukan. Le bouche à oreille aura fait le reste. Il aura su bâtir un mini empire, aidé d'un marketing parfaitement maîtrisé. 
Lors de mon dernier CDD, j'ai travaillé dans une énorme pharmacie. Une "pharmacie usine" avec 5 pharmaciens, 8 préparatrices, et une myriade de produits conseils. On pouvait trouver dans les rayons, les classiques produits minceur qui ne servent à rien et les classiques produits anti-âge, qui ne servent eux aussi à rien. Plus surprenant encore, au rayon diététique, du ketchup et de la mayonnaise, véridique.

Pierre Dukan, n'est pas le seul professionnel de santé à avoir hypothéqué son diplôme pour quelques euros. Sa radiation n'est qu'un fumigène, une façon d'attirer les regards pour faire nous faire oublier l'essentiel, son empire. Quand l'homme demande sa radiation à l'ordre des médecins, c'est en réalité se retirer pour mieux utiliser "l'effet de levier".
Effet de levier qui utilise le maillage des officines, elles aussi gagnantes, pour vendre des produits estampillés de sa marque, et des librairies pour diffuser largement ses livres de recette.

Pierre Dukan est un loup solitaire, et tous les médecins ne cautionnent, ni ne prescrivent son régime, bien heureusement. Son histoire est marginale, Il est ce qu'on appelle une singularité. A l'inverse, le discours corporatiste des pharmaciens, est hypocrite, irritant et totalement démagogique. Récemment, l'ensemble des pharmaciens, au travers leurs syndicats et les associations étudiantes, se sont élevés d'un bloc contre la proposition de libéralisation de la vente des médicaments en ligne. Aucun des arguments qui ont été avancés ne tient la route. On assiste à un exercice de style, ou la posture importe plus que tout. 

Ainsi, Réda Amrani-Joutey, président de l'ANEPF dénonce "un modèle économique uniquement mercantile - en parlant de la libéralisation - au mépris de la considération de la santé et de la sécurité du patient..." (4).
En réalité, les syndicats et les associations d'étudiant n'ont aucune légitimité à parler au nom de qui que ce soit, si ce n'est celui de leurs seuls adhérents.
C'est strico sensu le maintien d'un monopole pharmaceutique, accordé exclusivement aux pharmaciens titulaires qui motive un tel discours. 

La vente - évidemment encadrée - des médicaments en ligne, ainsi qu'une éventuelle ouverture du monopole pharmaceutique aux grandes surfaces serait un bénéfice pour les consommateurs, puisque des règles évidentes de concurrence pourraient enfin s'établir. Qui plus est, une telle libéralisation permettrait d'élargir les opportunités pour de jeunes pharmaciens actuellement confrontés à un marché de l'emploi atone, historiquement aux mains des pharmaciens titulaires. Le reste n'est que posture.

Le "marketing" est le nouveau dieu de ce siècle, tout ce qui est beau et désirable devient la norme et donc un idéal à atteindre où à posséder. A l'inverse du dernier Iphone, la minceur ne peut tout simplement pas s'acheter "prêt à l'emploi". Quand le régime dukan, fruit d'un homme, à la recherche de "LA" bonne idée, rencontre les appétits financiers de certains pharmaciens prêts à tout pour gagner de l'argent, on assiste alors à une forme de faillite sociale. L'hypocrisie d'un monde politique oubliant d'éduquer la population et en même temps, le manque de réalisme d'une ministre de la santé incapable de reforme le système en profondeur, abandonnent finalement les citoyens à leurs vaines pulsions consuméristes.

On ne peut cacher l'existence d'un esprit tout à fait capitaliste chez la majorité des pharmaciens. Vendre Alli® (orlistat), vendre un collier d'ambre, vendre du somatoline® ventre plat, vendre de la L-Carnithine, vendre du ketchup, cela procède de la volonté unique de faire de l'argent. Et lorsque qu'on s'insurge au nom de l'éthique, au nom de la sécurité des patients, contre toute forme de libéralisation, on ne peut que ricaner face à telle bouffonnerie, qui n'a de sens, que la protection des privilèges.
Rappelons-nous le film the Matrix, et sa fameuse pilule rouge, la pilule de vérité (5).
Que faire, quand l'éthique et la vérité n'ont plus de visage, comment les reconnaître, la blouse blanche n'étant pas toujours intègre, pas plus d'ailleurs que la croix verte du pharmacien ?  

Pilule rouge avalée, plein de lucidité, je fais le rêve de tuer un dogme, de pouvoir enfin, trouver du paracétamol au supermarché.
Je fais ce rêve idéal où l'antre pharmaceutique sera valorisé, ce rêve où je pourrai vivre de ma pensée. Car dans ce rêve, si la pharmacie n'est qu'un symbole, coincée au fond du supermarché, entre deux rayons, c'est surtout un absolu où le droit d'accompagner, de suivre, de conseiller et d'éduquer serait rémunéré.
Allons plus loin, en affirmant que libéraliser le marché, c'est justement renforcer l'impérieuse sécurité liée au médicament. C'est re-crédibiliser une fonction en misant uniquement sur les missions d'analyses dans un petit espace sanctuarisé, tout en laissant l'économie de marché au-delà de ses portes. En projetant l'officine dans un tel endroit, on réalise l'acte essentiel d'en tirer sa substantifique moelle, en re-délimitant le champ strictement pharmaceutique, reléguant ainsi tout ce qui n'en relève pas, aux lois classiques du marché capitaliste. Le reste n'est que posture.

Enfin, Je fais même le rêve un peu fou, de travailler dans un de ces supermarchés. Car en réalité, ce n'est pas tant l'émergence d'un tel endroit qui devrait nous faire peur, mais plutôt son absence, signe de l'existence d'une caste.
Une caste qui a encore et toujours tout eu, et qui lutte bec et ongles pour conserver un statut.

Rêvons.




1. Discours de Martin Luther King, Lincoln Memorial, Washington D.C 1963
   http://www.archives.gov/press/exhibits/dream-speech.pdf

2. Enquête ObEpi-Roche 2012.

3. Abercrombie et Fitch face à ses pires cauchemars. Lemonde.fr 2013

4. Rapport de l'autorité de la concurrence : l'ANEPF s'insurge contre la proposition de libéralisation de la vente de médicaments. Réda AMRANI-JOUTEY. 16 juillet 2013


5. The matrix. Andy Wachowski et Lana Wachowski, 1999, la scène de la pilule.
http://www.youtube.com/watch?v=te6qG4yn-Ps







The matrix, des frères Wachowski, 1999