-"I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of is creed...". Citons ici Martin Luther King et la beauté des rêves parfois réalisés (1).
La grandeur d'un homme se révèle souvent aux messages qu'il transmet, inspirant souvent les foules et les individualités en quête d'espoir et d'idéal, pour le meilleur et pour le pire, l'Histoire nous l'a suffisamment montré.
Ainsi, l'universalisme passé et flamboyant d'un Martin Luther King, rencontre aujourd'hui, le capitalisme affligeant et navrant, d'un Pierre Dukan.
En 2012, à peu près 7 000 000 de français étaient obèses, soit environ 15 % de la population française, sans qu'on ne se pose réellement de questions (2). Dans une société de plus en plus anxiogène, où le culte de la performance participe au sentiment d'insécurité, "l'émotionalité alimentaire" - le fait de manger sous le coup de l'émotion - semble être une des raisons à ce surpoids, notamment chez les femmes. La culture de l'instantanéité, celle du "tout, tout de suite" pousse les individus peu éclairés vers des aliments trop sucrés, trop salés.
De l'autre côté de l'échiquier, observons le mirage constant de la perfection.
Des marques comme Abercrombie et Fitch au travers leurs vêtements, promettent une forme d'exclusivité, celle d'appartenir à un idéal, celui des gens beaux (3).
Les parfums, les magazines, les publicités, la télévision, le cinéma, les sites de rencontre, tout concours à polariser le monde des dieux et celui des mortels.
Pierre Dukan est un opportuniste. Grâce a son titre de docteur en médecine, il aura su appuyer un discours pseudo-scientifique et en faire une marque : le régime Dukan. Le bouche à oreille aura fait le reste. Il aura su bâtir un mini empire, aidé d'un marketing parfaitement maîtrisé.
Lors de mon dernier CDD, j'ai travaillé dans une énorme pharmacie. Une "pharmacie usine" avec 5 pharmaciens, 8 préparatrices, et une myriade de produits conseils. On pouvait trouver dans les rayons, les classiques produits minceur qui ne servent à rien et les classiques produits anti-âge, qui ne servent eux aussi à rien. Plus surprenant encore, au rayon diététique, du ketchup et de la mayonnaise, véridique.
Pierre Dukan, n'est pas le seul professionnel de santé à avoir hypothéqué son diplôme pour quelques euros. Sa radiation n'est qu'un fumigène, une façon d'attirer les regards pour faire nous faire oublier l'essentiel, son empire. Quand l'homme demande sa radiation à l'ordre des médecins, c'est en réalité se retirer pour mieux utiliser "l'effet de levier".
Effet de levier qui utilise le maillage des officines, elles aussi gagnantes, pour vendre des produits estampillés de sa marque, et des librairies pour diffuser largement ses livres de recette.
Pierre Dukan est un loup solitaire, et tous les médecins ne cautionnent, ni ne prescrivent son régime, bien heureusement. Son histoire est marginale, Il est ce qu'on appelle une singularité. A l'inverse, le discours corporatiste des pharmaciens, est hypocrite, irritant et totalement démagogique. Récemment, l'ensemble des pharmaciens, au travers leurs syndicats et les associations étudiantes, se sont élevés d'un bloc contre la proposition de libéralisation de la vente des médicaments en ligne. Aucun des arguments qui ont été avancés ne tient la route. On assiste à un exercice de style, ou la posture importe plus que tout.
Ainsi, Réda Amrani-Joutey, président de l'ANEPF dénonce "un modèle économique uniquement mercantile - en parlant de la libéralisation - au mépris de la considération de la santé et de la sécurité du patient..." (4).
En réalité, les syndicats et les associations d'étudiant n'ont aucune légitimité à parler au nom de qui que ce soit, si ce n'est celui de leurs seuls adhérents.
C'est strico sensu le maintien d'un monopole pharmaceutique, accordé exclusivement aux pharmaciens titulaires qui motive un tel discours.
La vente - évidemment encadrée - des médicaments en ligne, ainsi qu'une éventuelle ouverture du monopole pharmaceutique aux grandes surfaces serait un bénéfice pour les consommateurs, puisque des règles évidentes de concurrence pourraient enfin s'établir. Qui plus est, une telle libéralisation permettrait d'élargir les opportunités pour de jeunes pharmaciens actuellement confrontés à un marché de l'emploi atone, historiquement aux mains des pharmaciens titulaires. Le reste n'est que posture.
Le "marketing" est le nouveau dieu de ce siècle, tout ce qui est beau et désirable devient la norme et donc un idéal à atteindre où à posséder. A l'inverse du dernier Iphone, la minceur ne peut tout simplement pas s'acheter "prêt à l'emploi". Quand le régime dukan, fruit d'un homme, à la recherche de "LA" bonne idée, rencontre les appétits financiers de certains pharmaciens prêts à tout pour gagner de l'argent, on assiste alors à une forme de faillite sociale. L'hypocrisie d'un monde politique oubliant d'éduquer la population et en même temps, le manque de réalisme d'une ministre de la santé incapable de reforme le système en profondeur, abandonnent finalement les citoyens à leurs vaines pulsions consuméristes.
On ne peut cacher l'existence d'un esprit tout à fait capitaliste chez la majorité des pharmaciens. Vendre Alli® (orlistat), vendre un collier d'ambre, vendre du somatoline® ventre plat, vendre de la L-Carnithine, vendre du ketchup, cela procède de la volonté unique de faire de l'argent. Et lorsque qu'on s'insurge au nom de l'éthique, au nom de la sécurité des patients, contre toute forme de libéralisation, on ne peut que ricaner face à telle bouffonnerie, qui n'a de sens, que la protection des privilèges.
Rappelons-nous le film the Matrix, et sa fameuse pilule rouge, la pilule de vérité (5).
Que faire, quand l'éthique et la vérité n'ont plus de visage, comment les reconnaître, la blouse blanche n'étant pas toujours intègre, pas plus d'ailleurs que la croix verte du pharmacien ?
Pilule rouge avalée, plein de lucidité, je fais le rêve de tuer un dogme, de pouvoir enfin, trouver du paracétamol au supermarché.
Je fais ce rêve idéal où l'antre pharmaceutique sera valorisé, ce rêve où je pourrai vivre de ma pensée. Car dans ce rêve, si la pharmacie n'est qu'un symbole, coincée au fond du supermarché, entre deux rayons, c'est surtout un absolu où le droit d'accompagner, de suivre, de conseiller et d'éduquer serait rémunéré.
Allons plus loin, en affirmant que libéraliser le marché, c'est justement renforcer l'impérieuse sécurité liée au médicament. C'est re-crédibiliser une fonction en misant uniquement sur les missions d'analyses dans un petit espace sanctuarisé, tout en laissant l'économie de marché au-delà de ses portes. En projetant l'officine dans un tel endroit, on réalise l'acte essentiel d'en tirer sa substantifique moelle, en re-délimitant le champ strictement pharmaceutique, reléguant ainsi tout ce qui n'en relève pas, aux lois classiques du marché capitaliste. Le reste n'est que posture.
Enfin, Je fais même le rêve un peu fou, de travailler dans un de ces supermarchés. Car en réalité, ce n'est pas tant l'émergence d'un tel endroit qui devrait nous faire peur, mais plutôt son absence, signe de l'existence d'une caste.
Une caste qui a encore et toujours tout eu, et qui lutte bec et ongles pour conserver un statut.
Rêvons.
1. Discours de Martin Luther King, Lincoln Memorial, Washington D.C 1963
http://www.archives.gov/press/exhibits/dream-speech.pdf
http://www.archives.gov/press/exhibits/dream-speech.pdf
2. Enquête ObEpi-Roche 2012.
3. Abercrombie et Fitch face à ses pires cauchemars. Lemonde.fr 2013
4. Rapport de l'autorité de la concurrence : l'ANEPF s'insurge contre la proposition de libéralisation de la vente de médicaments. Réda AMRANI-JOUTEY. 16 juillet 2013
5. The matrix. Andy Wachowski et Lana Wachowski, 1999, la scène de la pilule.
http://www.youtube.com/watch?v=te6qG4yn-Ps
The matrix, des frères Wachowski, 1999
Ah! Attention, maintenant il faut dire simplement "les Wachowski", l'un des deux ayant changé de sexe.
RépondreSupprimerBravo pour ce blog qui reflète bien mon état d'esprit aussi!
Tu vas le pondre ton article, marre d'attendre .Merci
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