"Il n'y a pas de gène pour l'esprit humain". Ainsi se termine la bande annonce du film "GATTACA". Autant la génétique porte en elle d'immenses espoirs thérapeutiques, autant le XXIe siècle nous aura appris l'importance du milieu dans lequel nous évoluons.
L'idée effrayante d'un déterminisme génétique tout puissant, dictant notre devenir, et nos potentialités reste encore fantasmé. En revanche, les distinctions sociales fondées sur la fortune, en particulier la fortune héritée, sont elles, bien ancrées dans la réalité.
Je me souviens en troisième année d'un pote de fac', appelons-le antoine, qui avait fini par m'avouer avoir hérité d'un million d'euros. Bien évidemment, il ne le criait pas sur les toits. Mais, il avait la lucidité des gens riches, la sensation qu'il serait à l'abri, pour toujours. Le type n'était pas un génie, et avait pourtant réussi à passer le concours de première année. Son rêve, était de devenir titulaire d'une pharmacie d'officine et de faire beaucoup, beaucoup d'argent, ayant compris la sécurité et les rendements corrects d'une niche commerciale bienveillante. Antoine représentait l'archétype de l'étudiant égocentrique, avide, et vide de toute substance, si ce n'est l'appât du gain. Il n'avait pas choisi ce commerce par hasard. Il lui aurait été bien plus facile d'ouvrir un commerce de fringues, ou un restaurant. Non, il avait choisi un commerce qui flatterait, à la foi son ego, et maintiendrait le rang social de sa famille.
Les concours de première année des filières médicales dans leur configuration actuelle, si ils prétendent donner leur chance à chaque étudiant, justifiant ainsi la méritocratie républicaine, représentent en réalité, la quintessence d'un système profondément inégalitaire, fondé sur un ensemble de connaissances académiques normatifs, arbitraires et pré-établis. Les étudiants provenant de milieux modestes, ayant fréquenté des lycées moyens, n'ont aucune chance face à d'autres étudiants issus de classes aisées ayant fréquenté des lycées d'excellence. Et, lorsque la rentrée universitaire a sonné, ces étudiants fortunés ayant non seulement bénéficié d'un enseignement secondaire "dopé", auront en plus droit à des prépas' privées, au prix exorbitant, dont les enseignants ne sont rien d'autres que d'anciens professeurs ou d'anciens étudiants ayant une connaissance parfaite des normes exigées.
A l'inégalité du capital économique vient dont se surajouter ce que Pierre Bourdieu appelait, le capital culturel. Antoine et les autres bien-nés ont réussi un braquage parfait, enfin presque. Car, le capital culturel s'acquiert au prix d'un certain nombre de sacrifices, somme toute très relatif. Il faut bûcher, lire, apprendre, étudier, passer des examens jusqu'à l'obtention du diplôme universitaire. Et c'est exactement l'argument fallacieux des élites qui admettront qu'ils ont mérité tout ce qu'ils ont.
Le cas d'antoine n'est pas rare. Thomas Piketty, économiste rappelle dans son dernier livre, Le Capital au XXI siècle, que 10 % des Français héritent de plus ou moins 1 million d'euros. Plus effroyable encore, 10 % des Français détiennent entre 60 % et 65 % du patrimoine hexagonal et 50 % ne possèdent strictement aucun capital. A Sciences-Po, le revenu moyen des parents d'élèves correspond à 10 % des familles française les plus aisées (1).
Alors dans ce contexte, la méritocratie républicaine est toute relative et bien méprisable.
Depuis mon dernier billet, rien n'a changé ou presque. L'été se termine et en ce début de rentrée, je vomis chaque instant qui passe. Mon patrimoine ridicule, ne me permettrait pas d'acheter ne serait-ce qu'un 30 m carré, alors que dans le même temps, ma chef en est à son quatrième investissement locatif. Mon isolement intellectuel est total. Je ne respire que lorsqu'il m'est donné l'occasion de parler à mes amis. Les lenteurs et le pathos de la France me désespèrent. L'automne approche et la prescription d'antibiotiques tout azimut repart à la hausse. Comme à l'accoutumée, les patients me rapportent des boites neuves de médicament que je jette directement à la poubelle. Le gâchis est total. Le gouvernement enchaîne les nouveaux prélèvements, prétextant combler les déficits, mais dans le même temps il autorise des dépenses de santé exorbitantes, autorisant les prescriptions de traitements coûteux et sans intérêts, toujours au profit de l'industrie pharmaceutique.
Les médias recyclent en boucle les sujets Syriens, et s'accrochent à l'éventualité d'une intervention militaire. Le sensationnalisme d'une pseudo élite mondiale accapare tout l'espace médiatique quand le reste de l'humanité souffre. Pourquoi la France ou même les USA auraient-ils quoi que ce soit à dire sur le sort d'une nation alors même qu'ils pourraient sauver des millions de vie en autorisant l'utilisation de molécules brevetés s'agissant des trithérapies utilisées pour traiter le VIH, et qu'ils ne le font pas ? Drôle de moralistes.
Par curiosité, je lis la publication du World Hapiness Report, publié par l'ONU. La France se classe 25ème, la suisse, elle, est classée 3ème, peut-être devrai-je étudier ce pays (2).
Il me manque encore quelques papiers avant de finaliser mon dossier. Je vis l'immigration sélective de plein fouet. Difficile d'attendre des autres et de subir une telle sélection. Tout va trop lentement et cela pèse, forcément.
Ma chef me casse toujours autant les "couilles". Chaque matin, chaque seconde, chaque minute. Je suis pourtant rigoureux, mais la folie des petits patrons est tout simplement sidérante, déconnectée de toute mesure et de tout tact. Sans véritable contre pouvoir, le petit patron fini tout simplement par perdre pieds, avec le temps. C'est ce que je qualifierai de syndrome du "dictateur". Le "maquereau" ou la "maquerelle" n'a de cesse, que l'analyse journalière de son chiffre d'affaire. Les employés ne sont que des agents économiques, qu'il faut sans cesse surveiller. Je la méprise, son niveau intellectuel est à chier, des lors, à quoi bon la mettre au courant de l'actualité scientifique.
Dans mes derniers post' j'avais parlé de l'inutilité et de la dangerosité de la bromocriptine, prescrit pour arrêter des montées de lait, chez les femmes, après l'accouchement. Il y a deux semaines, l'EMA émettait enfin un avis défavorable à l'utilisation de ce médicament, avec 10 ans de retard.
Mais ça, elle s'en fout, ce qui lui fait mal, c'est la baisse objective de son chiffre d'affaire.
Le salut ne peut venir d'un monde politique en ruine. Un bijoutier tue un bandit, et c'est la nation qui s'enflamme, alors qu'une violence quotidienne, plus sournoise, moins manifeste, ne cesse de renforcer les extrêmes.
Les personnalités politiques s'agitent, aboient, gesticulent, dans un ultime effort afin de capter les voix, qui sauraient perpétuer leur domination et le faste d'un quotidien doré, au milieu des palais républicains. Comment ne pas mépriser un pays, un siècle, une époque, lorsqu'une fille comme Marion Marechal le Pen accède au statut de député.
The great dictator,1940. de Charles Chaplin.
Thomas Picketty propose un impôt progressif sur le capital, complémentaire de l'impôt progressif sur le revenu. L'idée est bonne dans l'absolu, encore faut-il que l'ensemble des nations opte pour cette solution. On imagine difficilement un gouvernement avoir le courage politique d'instaurer pareille taxe. Ainsi, nécessairement, les inégalités vont se creuser jusqu'à un point de non retour.
Combattre les inégalités et les subir le moins possible deviennent donc les vrais objectifs de guerre, avec pour corollaire, la volonté de survivre et de trouver un sens à sa vie.
Citons Carl von Clausewitz pour qui, "la victoire revient à celui qui tient le dernier quart d'heure." Je tiendrai bon à ce poste le temps que les papiers se fassent, je ne craquerai pas même si chaque seconde m'anéantit un peu plus. "En aucun cas, la guerre n'est un but par elle-même. On ne se bat jamais, paradoxalement, que pour engendrer la paix, une certaine forme de paix." Il est vrai cette guerre avec le petit patronat me tue, m'écœure, me marque au plus profond de moi, mais je me réjouis à l'idée qu'après cela, j'atteindrais enfin l'ataraxie. Du moins pour quelque temps.
Bibliographie :
Olivier Pascal-mousselard. Comment combattre les inégalités ? Les réponses de l'économiste Thomas Pikkety. Télérama N° 3320. Le 31.08.13
lien : http://www.telerama.fr/idees/comment-combattre-les-inegalites-les-reponses-de-l-economiste-thomas-piketty,101515.php
John helliwell, Richard Layard, Jeffreyx Sachs. World hapiness report 2013.
"Gattaca", d'andrew Niccol, 1997.
Très étonnant de s’en prendre à Marion Le Pen dont le parti incarne pourtant la résistance à l’ultra-libéralisme et la défense de l’intérêt général avant tout lobby … soit-disant fil conducteur de vos billets … Pas très cohérent … Peut être préférez vous Cahuzac …
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJe viens de lire tous tes articles d'une traite, et même si on n'a pas du tout le même parcours, je ressens et voit les mêmes choses que toi sur la société, la France, ses politiciens, l'individualisme...
Je dirais même que tu a mis en mot, avec tous tes billets, le malaise que je ressens devant certains faits divers et le spectacle fantoche des politiciens et des journalistes.
Je sens que l'on va vers un désastre, lentement mais sûrement...
En tous cas ne t'arrête pas d'écrire, c'est très agréable à lire !
Merci
(c'est moi le com' au-dessus)
RépondreSupprimerJe voudrais même ajouter que tu as parfaitement raison concernant l'éducation et l'égalité
des chances, ce n'est qu'une vaste blague qui maintient une bonne partie de la population à l'écart. On abreuve les élèves de contenus imbuvables avec des méthodes incompréhensibles (cf l'enseignement du français à base de texte fourre-tout, qui permet seulement aux élèves ayant déjà un bon niveau de surnager), tandis que la vraie sélection, qui a lieu aux concours après le bac, n'est accessibles qu'à ceux qui ont le bagages "classique", en littérature, culture G,etc...
Et tu as d'excellente références, Good Will Hunting, Gattace, Into the Wild, Fight Club, Carl von Clausewitz...
RépondreSupprimerPeut-être pourrais-je te conseiller le livre "l'éloge du carburateur" de Matthew B. Crawford, qui est un essais sur le sens du travail :
"La génération actuelle de révolutionnaires du management considère l'éthos artisanal comme un obstacle à éliminer. On lui préfère de loin l'exemple du consultant en gestion, vibrionnant d'une tâche à l'autre et fier de ne posséder aucune expertise spécifique"
Le sens que l'on peut trouver à faire son job est un des grand maux de notre époque je pense, car quel sens trouver à son travail lorsqu'on ne produit rien et qu'on entretient un système capitaliste dépourvu de moralité ?
Bonjour
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